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La prononciation du français langue étrangère


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Ainsi ces exceptions peuvent-elles même donner lieu à des contrastes sémantiques exprimées uniquement à travers la position de l’accent tonique, p. ex., dans benim ‘mon’ (ben ‘moi’ + suffixe possessif) vs benim ‘c’est moi’ (ben ‘moi’ + suffixe copulatif) ou bien dans ordu ‘armée’ vs Ordu (toponyme, ville située aux bords de la mer Noire), ce qui est illicite en français.

      4 Étude empirique

      Il est raisonnable de supposer que les similarités entre le turc et le français dans le domaine prosodique ébauchées ci-dessus – absence (partielle) d’un accent lexical et système intonatif basé sur le phrasé – devraient faciliter l’apprentissage de l’intonation du FLE par des apprenant.e.s bilingues allemand-turc. Contrairement aux apprenant.e.s monolingues allemand.e.s, les bilingues devraient profiter des parallèles existants entre l’une de leurs langues natives et la langue cible. Ainsi devraient-ils, à travers le transfert positif des caractéristiques mélodiques du turc vers le français, obtenir des rendements plus proches de la cible française que leurs condisciples monolingues. Nous visons donc à vérifier l’hypothèse suivante :

      Hypothèse : Les apprenant.e.s bilingues allemand-turc profitent des ressemblances des systèmes intonatifs français et turc et produisent l’intonation du FLE d’une manière plus conforme à la langue cible (transfert positif du turc sur le français).

      Pour corroborer cette hypothèse, nous analysons un petit corpus de parole lue sous un angle intonatif ; les mesures sur lesquelles se base notre analyse sont exposées dans la section 4.1.1, ci-dessous. Un deuxième objectif de notre enquête est de déterminer si les « meilleures » réalisations produites par les apprenant.e.s, c’est-à-dire celles qui sont le plus proches du modèle mélodique du français, sont reconnues comme telles par les auditeur/trice.s. En d’autres mots : nous sommes intéressés à savoir si l’effort indéniable d’acquérir la prosodie du FLE d’une manière conforme à la langue cible vaut vraiment la peine. À cette fin, nous incluons dans notre étude aussi la perception, que nous abordons au moyen d’une tâche d’évaluation du degré d’accent étranger mise en œuvre avec des juges natif/ve.s et non natif/ve.s. Dans ce qui suit, nous exposons, dans un premier temps, la méthodologie de notre étude empirique (cf. section 4.1), avant de présenter, dans un deuxième temps, les résultats des mesures phonétiques et de la tâche d’évaluation effectuées (cf. section 4.2).

      4.1 Méthodologie

      Dans ce qui suit, nous allons expliquer d’abord le déroulement de la collecte et de l’analyse des données de production (cf. section 4.1.1), avant d’aborder, dans un deuxième temps, la procédure de l’expérimentation réalisée pour le côté perceptif, ses participant.e.s et l’analyse des évaluations recueillies (cf. section 4.1.2).

      4.1.1 Production

      Collecte de données. Pour vérifier notre hypothèse, nous avons analysé un petit corpus de données lues par deux groupes d’apprenant.e.s du FLE :

       8 apprenant.e.s allemand.e.s monolingues (dont 4 locuteurs masculins ; groupe M)

       6 apprenant.e.s bilingues allemand-turc (dont 3 locuteurs masculins ; groupe B).

      Tous les participant.e.s sont né.e.s en Allemagne. Parmi le groupe B, quatre personnes avaient au moins un parent né en Allemagne ; il s’agit donc d’immigré.e.s de seconde ou troisième génération qui parlent le turc en tant que langue d’origine. Au moment des enregistrements, tous les participant.e.s de notre échantillon fréquentaient le Gymnasium1 en Allemagne, étaient âgés de 15 à 17 ans et en étaient à leur troisième année d’études en FLE. Le groupe de contrôle monolingue français (F-L1) était composé de trois locutrices originaires du nord de la France (âgées de 21 à 23 ans). Au moment de la collecte des données, elles étaient étudiantes en échange à l’université de Mayence (Allemagne). Elles avaient suivi des cours d’anglais pendant huit ans à l’école, mais n’avaient pas de connaissances avancées d’autres langues étrangères. Leur maîtrise de l’allemand étant très faible, les instructions pendant la session d’enregistrement ont été données en français.

      Les données des deux groupes d’apprenant.e.s ont été recueillies en Allemagne du Nord en 2016 dans le cadre du projet MEZ (Mehrsprachigkeitsentwicklung im Zeitverlauf ‘Une perspective longitudinale sur le développement multilingue’ ; cf. www.mez.uni-hamburg.de et Brandt et al. 2017) ; les données de contrôle françaises (F-L1) ont été enregistrées en 2018 à l’université de Mayence. Les participant.e.s ont lu à haute voix un récit bref, tiré d’un manuel scolaire : « Amandine fait du sport » (147 mots ; cf. Jouvet 2006). Les enregistrements ont été transcrits sur les niveaux orthographique et segmental en utilisant les logiciels EasyAlign (Goldman 2011) et Praat (Boersma/Weenink 2018). Les erreurs commises par l’outil de segmentation automatique ont été corrigées manuellement. Après avoir écarté tout passage caractérisé par de fortes disfluences verbales, le corpus à analyser consistait en 5 phrases par participant.e se prêtant à des analyses plus approfondies.

      Analyse des données. Pour l’analyse intonative, nous nous sommes servis du logiciel ANALOR (Avanzi et al. 2008a ; Avanzi et al. 2008b ; Delais-Roussarie/Feldhausen 2014 ; Martin 2015 : 41–43), qui attribue à chaque syllabe des valeurs de proéminence comprises entre 0 (« non proéminent ») et 10 (« proéminence la plus élevée possible ») en fonction des paramètres considérés comme pertinents pour le marquage de proéminences en français : notamment, (1) la durée relative des syllabes, (2) la moyenne de F0 relative, (3) l’amplitude du contour F0 et (4) la présence ou absence de pauses silencieuses adjacentes. Plus la valeur de proéminence attribuée par ANALOR à une syllabe finale d’un mot est élevée, plus forte est considérée la frontière de la phrase respective. Sur la base des valeurs assignées à chaque syllabe par ANALOR, nous avons déterminé des scores de déviation pour chaque apprenant en soustrayant celles-ci de la valeur moyenne atteinte par le groupe de contrôle français (F-L1). Ensuite, nous avons calculé la moyenne de ces écarts pour obtenir un score de déviation par chaque phrase et chaque participant.e. Plus le score de déviation obtenu par un.e apprenant.e était faible, plus son intonation était proche de la cible native.

      4.1.2 Perception : une tâche d’évaluation du degré d’accent

      Participant.e.s et conception de la tâche. La seconde partie de l’étude consistait en une tâche d’évaluation du degré d’accent effectuée en ligne avec deux groupes de juges, 130 (futur.e.s) professeur.e.s de FLE germanophones (groupe P) et 85 locuteur/trice.s natif/ve.s français.es, issu.e.s de France et du Canada (groupe N).1 Les informations linguistiques et sociales sur les participant.e.s sont résumées dans le Tableau 3.

Groupe P : (futur.e.s) professeur.e.s de FLE N : natif/ve.s français.es
Nombre 130 85
L1 allemand français
Lieu de résidence (habituel) Allemagne (114)2 Autriche (16) Canada (50) France (35)
Âge 18–63 moyenne 26,78 médiane 24 76 % ayant moins de 30 ans 18–58 moyenne 25,56 médiane 22