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La prononciation du français langue étrangère


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En parole spontanée, seuls les élèves les plus avancés en 4ème et 6ème année d’apprentissage ont réalisé un schwa dans ce contexte. Rappelons toutefois que ces schwas ont été produits au sein de séquences répétées par les élèves et initialement produites par l’enquêtrice avec un schwa prépausal caractéristique du français parisien (cf. Hansen 1997), p. ex. E : Et qu’est-ce que tu aimes à Vienne ? 615 : À Vienne ?. Ces occurrences de schwa peuvent donc être considérées comme des indices d’une compétence sociolinguistique chez les élèves en question. En lecture, des schwas réalisés apparaissent surtout après la plosive sonore [d] ( p. ex. stupide). Une explication pourrait être que le schwa est prononcé dans ces cas pour éviter l’assourdissement de cette consonne, caractéristique de l’allemand (p. ex. stupide *[stypit], comme en all. Rad [ʁat] ‘vélo’). Une seconde explication serait que certains mots ne sont pas reconnus par les élèves. Ceci est probablement le cas des mots And(e)s ou Ind(e) où le schwa final est, la plupart du temps, réalisé comme un [e]. En syllabe interne, l’élision du schwa ne pose également pas de soucis majeurs aux élèves autrichiens, à l’exception de certains mots tels que all(e)mand(e)(s), prom(e)nade(s) ou aim(e)rais. Étant donné nos observations de la forme verbale aimerais en parole spontanée, on pourrait supposer que les élèves mémorisent cette forme conjuguée difficile de manière plus transparente en maintenant la voyelle. Pour ce qui est de la réalisation obligatoire du schwa, les résultats montrent que, dans les clitiques après deux consonnes, le taux de réalisation du schwa est aussi élevé que celui observé chez les locuteurs natifs (voir section 2.1.1). En revanche, les élèves élident beaucoup de schwas en syllabe interne qui devraient être prononcés comme dans des mots internationaux à l’instar de gouvernement et appartement. Ici, deux facteurs pourraient entrer en jeu : le fait qu’il s’agit de mots internationaux avec des formes identiques ou semblables sans schwa en allemand et/ou en anglais, et la présence du suffixe -ment.

      Il semble donc que les correspondances graphème-phonème de la L1 et de la L2 joue un rôle majeur dans l’apprentissage du FLE. Ceci est d’autant plus vrai pour le schwa étant donné que le graphème <e> ne correspond ni en allemand ni en anglais à une voyelle arrondie. Il ne faut donc pas seulement maîtriser les règles d’élision et de réalisation de cette voyelle, mais il est également nécessaire d’apprendre sa prononciation ainsi que de recevoir une instruction explicite des correspondances graphème-phonème.

      Concernant la liaison obligatoire, nous constatons avec surprise que les taux de réalisation sont moins élevés en lecture qu’en parole spontanée – contrairement à ce qui s’observe chez les natifs et les apprenant.e.s les plus avancé.e.s étudiés jusqu’à maintenant (cf. section 2). Cela suggère non seulement une compétence sociolinguistique encore peu développée à ce niveau d’apprentissage, mais également des problèmes de déchiffrage des mots ainsi qu’un manque général de fluidité qui diminue au fil du temps. En parole spontanée, comme dans les études précédentes portant sur des apprenant.e.s plus avancé.e.s (cf. section 2.2), les taux de réalisation observés chez les élèves autrichiens s’approchent de ceux des locuteurs natifs après les déterminants et les pronoms. Ici, seule la liaison en [n] après les voyelles nasales pose problème (mon, un). D’autres cas problématiques concernent la préposition monosyllabique en, l’adverbe monosyllabique très, les numéraux deux, trois et neuf et les constructions figées. Dans le cas particulier de très, les étudiant.e.s germanophones avancé.e.s de Pustka 2015 sont, en revanche, clairement meilleurs (89 %) que les élèves du corpus Pro2F (63 %).

      En lecture, non seulement les taux globaux restent loin derrière les natifs et les apprenant.e.s plus avancé.e.s (cf. supra), mais cela se confirme contexte par contexte quand on regarde de plus près la lecture du texte PFC pour lequel les projets IPFC-japonais (Detey/Kawaguchi/Kondo 2015) et IPFC-allemand Allemagne (Pustka 2015) et Autriche (Pustka/Forster/Kamerhuber 2018) fournissent un certain nombre de résultats strictement comparables (cf. tableau 6, section 2.2).

      Concernant l’adverbe monosyllabique très, par exemple, le texte PFC fournit le contexte très inquiet. Nos apprenant.e.s n’y réalisent la liaison qu’à 29 %, contrairement à 40 %/57 % chez les étudiant.e.s japonais.es et à 89 % chez les étudiant.e.s allemand.e.s ; les étudiant.e.s autrichien.ne.s y produisent un taux considérablement plus bas, avec 31 %. Il est intéressant de constater qu’avec un adjectif connu et familier, la liaison après très est nettement plus fréquente. Ainsi, dans la séquence très intéressant, la liaison est réalisée respectivement à hauteur de 50 % et 64 % dans le texte Pro2F et dans la liste de mots. Ces différences considérables montrent qu’il faudrait multiplier le nombre d’occurrences étudiées par témoin afin d‘obtenir des résultats fiables. En revanche, en ce qui concerne les liaisons variables mais très fréquentes, les élèves en réalisent autant en parole spontanée qu’en lecture. Toutefois, ils en réalisent moins que ce qui a été observé chez les apprenant.e.s avancé.e.s des études précédentes où les taux varient entre 43 % et 78 % en parole spontanée ; pour la lecture, Mastromonaco 1999 rapporte même 98 % (cf. section 2.2). À titre de comparaison ce taux de réalisation s’élève à 28 %–30 % chez les natifs toutes tâches confondues dans le corpus PFC, et dans le corpus de livres-audio pour enfants de Pustka 2015, il est de 87 % (cf. section 2.1).

      Le schwa et la liaison sont des phénomènes qui touchent une très grande part du lexique français. Les résultats de cette présente étude permettent de mieux appréhender le type d’instruction à mettre en place afin que les apprenant.e.s de FLE puissent, à terme, maîtriser ces phénomènes. Ainsi, l’apprentissage du vocabulaire pourrait être accompagné d’une transcription en API, p. ex. allemand [almɑ̃] (avec élision du schwa interne), neuf heures [nœvœʁ] (avec liaison en [v]). De plus, il semble crucial d’introduire un enseignement explicite des règles de prononciation ou de l’élargir à davantage de contextes (cf. Pustka 2020, Heiszenberger/Jansen 2020).

      Références

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      Andreassen, Helene/Lyche, Chantal (2018) : « Le rôle de la variation dans le développement phonologique : Acquisition du schwa illustrée par deux corpus d’apprenants norvégiens », in : Synergies Pays Scandinaves 13, 13–24.

      Barreca, Giulia (2015) : L’acquisition de la liaison chez des apprenants italophones. Des atouts d’un corpus de natifs pour l’étude de la liaison en français langue étrangère (FLE), thèse de doctorat, université de Paris Ouest Nanterre la Défense/université Catholique du Sacré Cœur de Milan.

      Boersma, Paul / Weenink, David (2018) : Praat : doing phonetics by computer. www.fon.hum.uva.nl/praat/ [Computer program. Version 6.0.10].

      Chalier, Marc (2019) : Les normes de prononciation du français : Une étude perceptive panfrancophone, thèse de doctorat, université de Vienne.

      Côté, Marie-Hélène (2012) : « Laurentian French (Québec) : Extra vowels, missing schwas and surprising liaison consonants », in : Gess, Randall / Lyche, Chantal / Meisenburg, Trudel (eds.) : Phonological variation in French : Illustrations from three continents, Amsterdam : Benjamins, 235–274.

      De Jong, Dan (1994) : « La sociophonologie de la liaison orleanaise », in : Lyche, Chantal (ed.) : French Generative Phonology. Retrospective and Perspectives, Salford : AFLS/ESRI, 95–130.

      De Moras, Nadine (2011) : Acquisition de la liaison et de l’enchaînement en français L2 : Le rôle de la fréquence, thèse de doctorat,