le brouillard se dissipa dans son esprit, elle aperçut le plus beau mâle Fae qu’elle ait jamais vu. Sa longue période d’âpreté et son besoin sexuel accru sublimisaient-ils sa vision du mâle ?
Non, décida-t-elle en apercevant ses traits nets et ses magnifiques yeux vert profond, ses cheveux noirs en désordre, sa petite frange sur son front.
Son air de détermination faisait écho à son propre ressenti au moment où les policiers étaient apparus chez elle. Son cœur s’accéléra quand il grommela et s’envola dans les airs à toute vitesse. Elle voulait crier, l’avertir.
Les mains attachées, il ne pourrait pas parcourir de grandes distances. Le même dispositif d’attache étincelait autour de sa taille, elle réalisa qu’ils l’avaient utilisé sur lui en dernier.
Alors qu’il s’éloignait des Fae qui l’attaquaient, la gorge de Maurelle se serrait. S’il réussissait à s’échapper, alors l’appareil se détacherait d’elle. La trajectoire de son vol vacilla lorsqu’il regarda le mâle qui le poursuivait dans le ciel.
Quand l’océan apparut sous ses yeux, Maurelle retint son souffle. Ses parents lui avaient donné une description fidèle de l’Académie. Une végétation luxuriante ceinturait les grands bâtiments de pierre, des ronces d’un côté et l’océan à l’arrière.
La profusion d’étincelles l’obligea à détourner la tête. Son regard se déplaça à temps pour voir le mâle séduisant s’écraser contre une barrière invisible dans le ciel. Personne n’avait clairement expliqué à Maurelle ce qui se passerait si elle essayait de s’envoler. Elle savait tout simplement qu’elle le regretterait.
Elle contempla l’aile du beau Fae qui s’illuminait comme si la foudre l’avait frappée. En un éclair, il s’effondra au sol. Elle vomit à la vue de la scène. Elle regarda, les yeux grands ouverts. Son cœur se mit à battre la chamade quand il toucha le sol.
À son atterrissage, elle aurait juré que l’impact avait secoué la terre. Son aile était pliée derrière son dos et il saignait. La scène était effroyable, elle doutait que le mâle se remette un jour.
Avec deux officiers venus pour elle dans sa maison, Maurelle ne voulait pas se montrer si vulnérable. Elle força son esprit à quitter la vision et elle se concentra sur elle-même. Une pioche fendit sa tête et la bile remplit ses narines.
Elle parvenait à peine à ouvrir les yeux, comme s’ils restaient collés, les paupières fermées. Quand elle y parvint, le mâle aux cheveux auburn la soulevait du sol. Il la tenait par le col et par un bras.
Ses sœurs en larmes se blottissaient l’une contre l’autre. Maurelle bascula avec l’officier qui la tenait. Une fois sortie de ses visions, sa désorientation dura plus longtemps que la normale. Elle ne savait pas si cet égarement était provoqué par l’entrave ou par sa maladie.
Elle entendait sa mère supplier les collecteurs de la laisser partir, mais l’autre mâle refusait d’écouter. « Vas-tu coopérer maintenant ? »
Maurelle essaya de se libérer de la poigne de fer de l’officier sur son bras, mais la main figée sur le côté refusa de décoller et la rappela à l’ordre. Après un coup d’œil rapide, elle découvrit que les menottes s’incrustaient pratiquement à ses poignets.
« Non. Tu ne peux pas emmener ma fille », sanglota sa mère alors qu’il la traînait dans la maison. Elle se précipita vers le mâle qui tenait Maurelle. Le temps ralentit encore.
À la seconde où sa mère essaya de l’atteindre, l’autre mâle souleva un long bâton noir et lisse et frappa. Le bâton heurta son crâne avec un bruit sourd. Ses sœurs crièrent avec elle, la tête de leur mère vola sur le côté et son sang éclaboussa le mur.
« Qu’est-ce que tu as fait ? » aboya l’officier qui la tenait.
Ils nageaient tous en plein cauchemar, pensa Maurelle en regardant le corps meurtri de sa mère s’effondrer au sol. Son crâne en partie arraché, ses yeux bruns vides regardaient le néant.
« Maman », cria-t-elle. Son estomac se révoltait devant cette vision. Le thé qu’elle venait de boire remonta précipitamment, puis jaillit de sa bouche et de son nez. Maurelle essaya de voir si la poitrine de sa mère montait et descendait, mais elle fut hissée vers la porte avant de pouvoir établir un diagnostic.
« Allez chercher papa », cria-t-elle à ses sœurs. L’officier la poussait dans les escaliers. Le soleil brillant se moquait du chagrin qui crevait sa poitrine. Le Fae la conduisit vers un chariot, il la maintenait sur le ventre. Puis il pressa un disque contre le dos de sa manille et les chaînes tombèrent avec un son mat. Elle devait absolument se procurer une clé pour les menottes.
Rapidement, elle se remit debout et essaya de se précipiter pour rejoindre son père. Alors que la porte se refermait derrière elle, Maurelle regarda en arrière et vit ses sœurs blotties dans l’embrasure de porte de l’appartement qu’elles appelaient leur « maison ». Elle devait nager en plein cauchemar.
Son cœur se brisa en un million de morceaux, elle donna un coup de pied dans les barreaux qui la séparaient de ses sœurs. Elle ne pourrait pas réconforter son père ou l’aider à apaiser Nyx ou Erlina.
Ses doigts agrippèrent les barreaux. Elle hurlait vers qui voulait l’entendre pendant que les collecteurs la transportaient. Pour la première fois depuis la manifestation de ses pouvoirs, elle ne se trouvait pas projetée dans une vision.
La réalité de la vie avait l’ascendant sur son âme battue et refusait de lâcher prise. Ils avaient impitoyablement tué sa mère parce qu’elle s’opposait à envoyer Maurelle dans leur stupide académie. Comment pouvait-elle continuer quand sa douce et aimante mère était partie ? Elle n’avait même pas pu lui dire au revoir ni aider à envoyer son esprit vers l’au-delà.
Elle ne devrait pas se montrer aussi surprise compte tenu de la torture dont elle avait été témoin dans sa dernière vision. Quiconque permettait de pareilles horreurs se moquait éperdument des blessures causées par l’exercice de leur domination et de leur pouvoir.
CHAPITRE III
L’inflammation à l’épaule de Ryker provoqua une agonie atroce pendant qu’il scannait les images lumineuses sur la table devant lui. Il ne pouvait pas soulever son mauvais bras sans provoquer une douleur atroce. Depuis qu’il avait repris connaissance à l’infirmerie de l’Académie, il vivait bien mieux qu’il ne l’avait espéré.
Il trouvait réconfortant de voir que les humains n’avaient pas commencé un procédé diabolique dès sa première seconde à l’académie. Honnêtement, il était surpris de voir à quel point tout semblait normal. Dans leur jeune âge, tous les enfants Fae fréquentaient l’école pendant plusieurs années. Ils y apprenaient à lire, à écrire et ils découvraient tout ce qu’on enseigne à l’école.
Historiquement parlant, l’Académie de Bramble’s Edge aidait les Fae à affiner leurs pouvoirs tandis qu’ils devenaient de jeunes adultes. Elle mettait l’accent sur le contrôle des capacités de chacun plutôt que sur l’éducation formelle. L’apprentissage de la maîtrise des pouvoirs représentait peut-être réellement son seul objectif maintenant.
Rien de suspect ou d’infâme ne s’était produit depuis son arrivée. Ryker se sentait contraint de remettre en question ce qu’il avait entendu dire pendant son enfance, en particulier les propos de sa mère. Elle lui avait décrit les humains comme des créatures maléfiques déterminées à garder le contrôle de leur royaume.
En réalité, les Fae qui dirigeaient l’école n’assuraient peut-être pas de missions pour les humains. À en juger par la façon dont ils le traitaient, il ne pouvait s’empêcher d’envisager cette probabilité. Le guérisseur avait passé plusieurs jours à réparer son aile centimètre par centimètre, afin qu’il puisse finalement voler à nouveau.