par exemple, non.
Est-ce que tu y comprends quelque chose, toi, gamin! Tu parles toujours sans savoir ce que tu dis.
Est-ce ton catéchisme qui t’ordonne de répondre comme tu le fais? Est-ce bien lui qui te conseille de me battre quand tu es en colère, de dire des gros mots[66] et bien d’autres choses encore?
Imbécile, va! si je ne méprisais ta petitesse, je te ferais changer de ton.
Tu méprises ma petitesse et tu crains papa et mon oncle, sans quoi....
Jacques, tais-toi; tu provoques toujours Léon, qui n’est pas endurant, tu le sais.
Oh oui! je le sais, papa, et j’ai tort; mais,… mais,… c’était si tentant....
Comment? tentant de dire des choses désagréables à ton grand cousin?
Papa, c’est précisément parce qu’il est grand; et comme vous étiez là pour me protéger....
Tu t’es laissé aller[67]. Ce n’est pas bien, Jacques; ne recommence pas.
À ton tour, Léon, tu mérites un reproche bien plus sévère que Jacques, parce que tu es plus grand.
Je n’ai rien fait de mal, papa, ce me semble[68].
Tu as été orgueilleux, impatient et maussade; tâche de ne pas recommencer non plus, toi; si je me mêle de tes discussions, ce ne sera pas pour te soutenir.
– Et pour tout oublier, dit Mme de Fleurville en se levant, je propose une partie de cache-cache, de laquelle nous serons tous, petits et grands, jeunes et vieux.
– Bravo, bravo! ce sera bien amusant, s’écrièrent tous les enfants. Voyons, qui est-ce qui l’est?
– Il faut l’être deux, dit Mme de Rosbourg; ce serait trop difficile de prendre étant seul.
– Ce sera moi et ma sœur de Fleurville, dit M. de Traypi; ensuite de Rugès avec Mme de Rosbourg; puis ceux qui se laisseront prendre. Une, deux, trois. La partie commence: le but est à l’arbre près duquel nous nous trouvons.»
Toute la bande se dispersa pour se cacher dans des buissons ou derrière des arbres.
«Défendu de grimper aux arbres! cria Mme de Traypi.
– Hou! hou! crièrent plusieurs voix de tous les côtés.
– C’est fait, dit M. de Traypi. Prenez de ce côté, ma sœur; je prendrai de l’autre.»
Ils partirent tout doucement chacun de leur côté, marchant sur la pointe des pieds, regardant derrière les arbres, examinant les buissons.
«Attention, mon frère! cria Mme de Fleurville, j’entends craquer les branches de votre côté.
– Ah! j’en tiens un», s’écria M. de Traypi en s’élançant dans un buisson.
Mais il avait parlé trop vite; Camille et Jean étaient partis comme des flèches et arrivèrent au but avant que M. de Traypi eût pu les rejoindre. Pendant ce temps Mme de Fleurville avait découvert Léon et Madeleine, elle se mit à leur poursuite; M. de Traypi accourut à son aide; pendant qu’ils les poursuivaient, Marguerite et Jacques les croisèrent en courant vers le but. Mme de Fleurville, croyant ceux-ci plus faciles à prendre, abandonna Léon et Madeleine à M. de Traypi et courut après Marguerite et Jacques; mais, tout jeunes qu’ils étaient, ils couraient mieux qu’elle, qui en avait perdu l’habitude, et ils arrivèrent haletants et en riant au but, au moment où elle allait les atteindre.
Essoufflée, fatiguée, elle se jeta sur l’herbe en riant, et y resta quelques instants pour reprendre haleine[69]. Elle alla ensuite rejoindre son frère, qui faisait vainement tous ses efforts pour attraper Léon, Madeleine et les grands; quant à Sophie, elle n’était pas encore trouvée. À force d’habileté et de persévérance, M. de Traypi finit par les prendre tous malgré leurs ruses, leurs cris, leurs efforts inouïs pour arriver au but. Sophie manquait toujours.
«Sophie, Sophie, criait-on, fais hou! qu’on sache de quel côté tu es.»
Personne ne répondait.
L’inquiétude commençait à gagner Mme de Fleurville.
«Il n’est pas possible qu’elle ne réponde pas si elle est réellement cachée, dit-elle; je crains qu’il ne lui soit arrivé quelque chose[70].
– Elle aura été trop loin, dit M. de Rugès.
– Pourvu qu[71]’elle ne se perde pas, comme il y a trois ans, dit Mme de Rosbourg.
– Ah! pauvre Sophie! s’écrièrent Camille et Madeleine. Allons la chercher, maman.
– Oui, allons-y tous, mais chacun des petits escorté d’un grand», dit M. de Traypi.
Ils se partagèrent en bandes et se mirent tous à la recherche de Sophie, l’appelant à haute voix; leurs cris retentissaient dans la forêt, aucune voix n’y répondait. L’inquiétude commençait à devenir générale; les enfants cherchaient avec une ardeur qui témoignait de leur affection et de leurs craintes.
Enfin Jean et Mme de Rosbourg crurent entendre une voix étouffée appeler au secours. Ils s’arrêtèrent, écoutèrent.... Ils ne s’étaient pas trompés.
C’était Sophie qui appelait:
«Au secours! au secours! Mes amis, sauvez-moi!
– Sophie, Sophie, où es-tu? cria Jean épouvanté.
– Près de toi, dans l’arbre, répondit Sophie.
– Mais où donc? mon Dieu! où donc? Je ne vois pas.»
Et Jean, effrayé, désolé, cherchait, regardait de tous côtés, sur les arbres, par terre: il ne voyait pas Sophie.
Tout le monde était accouru près de Jean, à l’appel de Mme de Rosbourg. Tous cherchaient sans trouver.
«Sophie, chère Sophie, cria Camille, où es-tu? sur quel arbre? Nous ne te voyons pas.
Je suis tombée dans l’arbre, qui était creux[72]; j’étouffe; je vais mourir si vous ne me tirez pas de là.
– Comment faire? s’écriait-on. Si on allait chercher des cordes?»
Jean réfléchit une minute, se débarrassa de sa veste et s’élança sur l’arbre, dont les branches très basses permettaient de grimper dessus.
«Que fais-tu? cria Léon: tu vas être englouti avec elle.
– Imprudent! s’écria M. de Rugès. Descends, tu vas te tuer.»
Mais Jean grimpait avec une agilité qui lui fit promptement atteindre le haut du tronc pourri[73]. Jacques s’était élancé après Jean et arriva près de lui avant que son père et sa mère eussent eu le temps de l’en empêcher[74]. Il tenait la veste de Jean et défit promptement la sienne. Jean, qui avait jeté les yeux dans le creux de l’arbre, avait vu Sophie tombée au fond et s’était écrié:
«Une corde! une corde! vite une corde!»
Léon, Camille et Madeleine s’élancèrent dans la direction du moulin pour en avoir une. Mais Jacques passa les deux vestes à