celle du monde entier; car c'est la cause de la justice et de la fraternité. Mon honorable ami a dit que la Ligue soutenait le principe du sens commun, et il a été reconnu au Parlement, par le premier ministre de la couronne, que vendre et acheter aux prix les plus avantageux, étaient le droit de tous les Anglais et de tout homme. Lui aussi a proclamé que le principe de la liberté des échanges était le principe du sens commun, mais ce qu'il faut faire sortir de ce principe, c'est un peu de commune honnêteté. (Acclamation.) Les législateurs savent bien ce qui est juste; tout ce que le peuple demande, c'est qu'ils le mettent en pratique. J'aurai bientôt l'honneur de présenter à la Chambre des communes une pétition de mes commettants pour le retrait de la loi-céréale (rires), et je crains bien qu'elle n'y reçoive qu'un froid accueil. Mes commettants néanmoins veulent que j'en appelle non-seulement à la Chambre, mais à ce meeting. C'est au peuple de cette métropole que la nation doit en appeler. Le peuple de la métropole tient dans ses mains les destinées de l'empire. Il y a longtemps que les provinces agitent cette grande question; elles en comprennent toute l'importance. C'est la condition la plus favorable à une prochaine solution; car dans mon expérience, j'ai toujours reconnu que comme toute corruption descend de haut en bas, toute réforme procède de bas en haut. (Applaudissements.) L'agitation actuelle a commencé parmi de pauvres tisserands. Leurs sentiments furent d'abord méconnus, même par les manufacturiers, mais ils reconnaissent aujourd'hui que les pauvres tisserands avaient raison…
J'ai toujours combattu les lois-céréales au point de vue de la justice; car je les considère comme injustes, inhumaines et impolitiques. Je dis qu'une loi qui protége une classe de la communauté aux dépens des autres classes est une loi injuste. Je ne conteste pas aux landlords le droit de disposer de leurs propriétés à leur plus grand avantage, et même d'exporter le blé s'ils le peuvent produire à meilleur marché qu'au dehors; mais les landlords ont fait une loi qui dépouille l'ouvrier du droit de disposer du produit de son travail selon sa convenance; et c'est pourquoi je dis qu'une telle loi ne saurait se maintenir, voyant qu'elle est si manifestement injuste. – La loi-céréale a encore le tort d'affecter les diverses classes de la société d'une manière fort inégale; si elle ôte cinq pour cent au riche, elle arrache cinquante pour cent aux pauvres, et moi qui ne suis taxé qu'à cinq pour cent, je finis par oublier jusqu'au sens du mot justice. Ce qui fait que beaucoup d'hommes ne comprennent pas toute la signification de ce mot, c'est que l'intérêt personnel les aveugle. Je me rappelle qu'un gentleman, discutant au milieu d'un grand nombre de gens d'église, ne pouvait leur faire comprendre le sens d'un terme que je supposerai être ce mot justice. Il écrivit ce mot et demanda: Qu'est-ce que cela signifie? Un des ministres s'écria: Justice. Le gentleman posa une guinée sur le mot et dit: Que voyez-vous maintenant? et le ministre répondit: Rien, – car l'or lui interceptait la vue. (Rires.) – On dit que ces lois ont été faites, non pour l'avantage des landlords, mais pour celui des fermiers et des ouvriers des campagnes. Mais il n'est personne qui, après avoir observé les effets de ces lois, ne soit arrivé à cette conclusion, qu'elles ont profité aux manouvriers des districts agricoles; et quant aux fermiers, s'ils étaient appelés en témoignage, ils déclareraient qu'ils n'en ont tiré certainement aucun bénéfice. Les seigneurs sont donc les seuls auxquels on pourrait supposer qu'elles ont profité; mais on reconnaîtra à la fin qu'il n'en a pas été ainsi. Je suis assez vieux pour me rappeler les démonstrations d'enthousiasme avec lesquelles les seigneurs terriens accueillirent la guerre de France, déclarant que, pour la soutenir, ils dépenseraient leur dernière guinée et leur dernière acre de terre; et chacun se hâta de faire honneur de leur désintéressement à leur patriotisme. Tant que dura la guerre, ils empruntèrent comme ils purent. Enfin, la paix revint, et avec elle l'abondance et le bon marché; mais les landlords qui avaient emprunté de l'argent commencèrent à rechercher comment ils pourraient en éviter le payement. Quoiqu'ils eussent engagé leur dernière acre et leur dernier écu à cette cause glorieuse, payer n'était jamais entré dans leurs intentions. (Écoutez! écoutez!) Leur premier soin fut de débarrasser leurs épaules de 14 millions d'impôts fonciers, et puis ils firent la loi-céréale, afin de maintenir le taux élevé des rentes. Ils savaient bien que les rentes fléchiraient naturellement comme le prix des blés, et ils inventèrent les lois-céréales. Lorsqu'elles furent portées pour la première fois devant la législature, lord Liverpool admit avec franchise et loyauté qu'elles auraient pour effet, et par voie d'induction, qu'elles avaient pour but, d'empêcher la dépression des rentes. Ainsi, l'aristocratie qui avait hypothéqué ses domaines, dans des vues soi-disant patriotiques, au lieu de payer elle-même ses dettes, saisit la première occasion d'en reporter le fardeau sur les classes laborieuses; et après avoir emprunté jusqu'à concurrence de la valeur des terres, elle en a législativement doublé la rente, en élevant le prix du pain, c'est-à-dire que c'est le peuple et non elle qui paye les arrérages. Voilà comment on en a agi envers le peuple de ce pays; c'est à lui de dire si cela doit continuer. Le duc de Newcastle a demandé s'il n'avait pas le droit d'user comme il l'entendrait de sa propriété. (Rires.) Je n'ai pas d'objection à faire contre cette doctrine convenablement définie; mais puisque nous nous donnons pour un peuple loyal et religieux, nous devons bien reconnaître que nul n'a le droit de faire de sa propriété ce qu'il veut, à moins que ce qu'il veut ne soit juste. Il me semble qu'il nous est commandé de faire aux autres ce que nous voudrions qui nous fût fait. Les landlords cependant ont fait des lois pour obtenir un prix artificiel des fruits de leurs terres, et en même temps pour empêcher le peuple de recevoir le prix naturel de son travail. C'est là une grande injustice, et il n'est personne dont ce ne soit le devoir d'en poursuivre le redressement. La détresse publique est profonde, quoique plusieurs puissent ne pas l'éprouver. Elle ne s'est pas encore appesantie sur Londres dans toute son intensité, ou plutôt elle y est moins aperçue qu'ailleurs, parce que les hautes classes s'y préoccupent peu du sort du peuple. Je suis disposé à croire, comme M. Hume, qu'il règne ici une grande apathie; mais il n'en est pas moins vrai que la population souffre, et nous venons demander aide et assistance aux habitants de cette métropole. Il est de leur devoir de répondre à cet appel, et de faire tous leurs efforts pour ramener la prospérité dans le pays. La détresse a gagné les classes agricoles, et elles s'aperçoivent enfin que les meilleurs débouchés consistent en une clientèle prospère, ou dans le bien-être général. Il est des personnes qui s'imaginent qu'en poursuivant le retrait des lois-céréales, les manufacturiers travaillent pour leur avantage au détriment des autres classes. C'est là une illusion; la chose est impossible. Il n'est pas possible que l'activité et l'extension des affaires profitent aux uns au préjudice des autres. (Cris: Non, non!) Notre population s'accroît de trois cent mille habitants chaque année. Il faut que cet excédant soit occupé et nourri. S'il n'est pas nourri au dehors des workhouses, il faudra qu'il soit nourri au dedans. Mais s'il trouve de l'emploi, des moyens de subsistance, par cela même il ouvrira aux produits du sol de nouveaux débouchés. Aujourd'hui la législation prive les ouvriers de travail, en s'interposant dans leurs échanges; elle en fait un fardeau pour la propriété. Ainsi que l'a dit M. Hume, il faut bien que ces ouvriers soient secourus, et à mesure que leur masse toujours croissante pèsera de plus en plus sur la propriété, l'aristocratie reconnaîtra que l'honnêteté eût été une meilleure politique. (Écoutez! écoutez!) Voulez-vous le maintien des lois-céréales? (Non, non!) Eh bien! j'en appelle à tout homme qui s'intéresse à l'amélioration du sort du peuple, au progrès de son éducation intellectuelle et morale, à la prospérité de l'industrie et du commerce, rallions-nous à la Ligue! unissons nos efforts pour effacer de nos codes ces lois iniques et détestables. (Applaudissements prolongés.)
M. Milner Gibson se lève, et après quelques considérations il continue en ces termes:
Je ne puis jeter les yeux sur cette nombreuse et brillante assemblée, sans me sentir assuré que nous agitons ici une question nationale. On a parlé de meetings réunis par surprise; mais tant d'hommes distingués ne sauraient se réunir que pour une cause qui préoccupe à un haut degré l'esprit public. (Assentiment.) Certes, s'il s'agissait de discourir sur le fléau de l'abondance, sur les charmes de la disette, sur les bienfaits des restrictions industrielles et commerciales, une plus étroite enceinte suffirait25. (Rires.) Un autre trait caractéristique de ces assemblées, et dont je dois vous féliciter, c'est d'être sanctionnées et embellies par la plus gracieuse