Уильям Шекспир

Peines d'amour perdues


Скачать книгу

que les oiseaux becquettent le mieux le grain, et que les hommes sont assis pour prendre ce repas que l'on nomme le souper: voilà pour le temps. Maintenant le sol, je veux dire le sol sur lequel je me promenais, il est enclos de murs: c'était votre parc. A présent, venons à l'endroit; je veux dire l'endroit où j'ai rencontré cet événement obscène et des plus monstrueux, qui tire aujourd'hui de ma plume, blanche comme la neige, l'encre de couleur d'ébène, que vos yeux voient, contemplent, parcourent ou regardent ici. C'est là au nord-nord-ouest et au coin ouest de votre jardin aux curieux détours que j'ai vu ce berger à l'âme basse; ce misérable ver qui sert à votre divertissement.

      COSTARD. – C'est moi.

      LE ROI, continuant. – «Cette âme illettrée et bornée.

      COSTARD. – C'est moi.

      LE ROI, continuant. – «Cet insipide vassal.

      COSTARD. – C'est encore moi.

      LE ROI, continuant. – «Qui, autant que je m'en souviens, se nomme Costard.

      COSTARD. – Oh! c'est bien moi.

      LE ROI, continuant. – «En compagnie et en tête-à-tête, contre le statut formel de votre édit et de votre loi promulguée, avec… avec… Oh! avec… mais je souffre de dire avec qui.

      COSTARD. – Avec une fille.

      LE ROI, continuant. – «Avec un enfant de notre grand-mère Ève, une femelle, ou pour me faire comprendre de votre âme délicate, une femme. Mû par l'aiguillon de mon devoir toujours respecté, je vous l'ai envoyé, pour recevoir le lot de sa punition, sous la garde d'un officier de votre noble Altesse, Antoine Dull, homme de bonne renommée, de bonne conduite, de bonne réputation, et fort considéré.

      DULL. – C'est moi, sous le bon plaisir de Votre Altesse; je suis Antoine Dull.

      LE ROI, continuant. – «Quant à Jacquinette (c'est ainsi qu'on appelle le vase le plus faible, que j'ai surpris avec le berger susdit), je la garde comme un vase dévoué à la fureur de votre loi; et, au moindre signal de votre illustre volonté, je la mènerai subir son procès. Je suis à vous, dans toutes les formalités de l'ardeur brûlante d'un zèle dévoué,

      «Don Adrien d'ARMADO.»

      BIRON. – Cette lettre n'est pas en aussi bon style que je l'attendais, mais c'est le plus menteur que j'aie jamais entendu.

      LE ROI. – Oui, le meilleur pour le pire. – Mais, toi, coquin, que réponds-tu à cela?

      COSTARD. – Seigneur, je confesse la fille.

      LE ROI. – As-tu entendu la proclamation de mon édit?

      COSTARD. – Je confesse que je l'ai beaucoup entendue, mais aussi que j'y ai fait fort peu d'attention.

      LE ROI. – On a publié la peine d'un an de prison pour quiconque serait surpris avec une fille.

      COSTARD. – Je n'ai pas été pris avec une fille, seigneur, j'ai été pris avec une damoiselle.

      LE ROI. – Eh bien! l'édit porte aussi une damoiselle.

      COSTARD. – Ce n'était pas une damoiselle non plus, seigneur: c'était une vierge.

      LE ROI. – Cela a été défendu aussi. L'édit porte aussi une vierge.

      COSTARD. – Si cela est, je nie sa virginité: j'ai été pris avec une pucelle.

      LE ROI. – Cette pucelle ne te servira pas, l'ami.

      COSTARD. – Cette pucelle me servira, sire.

      LE ROI. – Allons, je vais prononcer la sentence: tu jeûneras une semaine entière au pain bis et à l'eau.

      COSTARD. – J'aimerais mieux prier un mois avec du mouton et du poireau.

      LE ROI. – Et don Armado sera ton gardien. – Biron, ayez soin qu'il lui soit livré. – Et nous, chers seigneurs, allons mettre en pratique ce que nous avons réciproquement juré d'observer par un serment si solennel.

(Le roi sort avec Longueville et Dumaine.)

      BIRON. – Je gagerais ma tête contre le chapeau du premier honnête homme, que ces serments et ces lois deviendront un objet de mépris. – (A Costard.) Allons, drôle, marchons.

      COSTARD. – Je souffre pour la vérité, monsieur, car il est très-vrai que j'ai été pris avec Jacquinette, et que Jacquinette est une vraie fille; et ainsi donc, que la coupe amère de la prospérité6 soit la bienvenue! L'affliction pourra un jour me sourire encore, et jusqu'à ce moment reste avec moi, douleur.

(Ils sortent tous deux.)

      SCÈNE II

La maison d'ArmadoARMADO avec MOTH son page

      ARMADO. – Page, quel signe est-ce, quand une grande âme devient mélancolique?

      MOTH. – C'est un grand signe, monsieur, qu'elle deviendra triste.

      ARMADO. – Quoi! la tristesse et la mélancolie sont la même chose, mon cher lutin?

      MOTH. – Non, non, monsieur; oh! non.

      ARMADO. – Comment peux-tu séparer la tristesse de la mélancolie, mon tendre jouvenceau?

      MOTH. – Par une démonstration familière de leurs effets, mon rude seigneur.

      ARMADO. – Pourquoi dis-tu rude seigneur? rude seigneur?

      MOTH. – Et pourquoi dites-vous tendre jouvenceau? tendre jouvenceau?

      ARMADO. – J'ai dit tendre jouvenceau, comme une épithète qui convient à tes jeunes années, que l'on peut dénommer tendres.

      MOTH. – Et moi, j'ai dit rude seigneur, comme un titre qui appartient à votre vieillesse, que l'on peut nommer rude.

      ARMADO. – Joli et convenable.

      MOTH. – Comment l'entendez-vous, monsieur? Est-ce moi qui suis joli, et mon propos convenable; ou mon propos qui est joli, et moi convenable?

      ARMADO. – Tu es joli parce que tu es petit.

      MOTH. – Petitement joli, parce que je suis petit; et pourquoi convenable?

      ARMADO. – Convenable, parce que tu es vif.

      MOTH. – Dites-vous ceci à ma louange, mon maître?

      ARMADO. – A ton digne éloge, vraiment.

      MOTH. – Je vanterai une anguille avec le même éloge.

      ARMADO. – Quoi! est-ce qu'une anguille est ingénieuse?

      MOTH. – Une anguille est vive.

      ARMADO. – Je dis que tu es vif dans tes réponses. – Tu m'échauffes le sang.

      MOTH. – Me voilà payé d'une réponse, monsieur.

      ARMADO. – Je n'aime pas à être contrarié.

      MOTH. – Celui qui parle par contradictions, les croix 7 ne l'aiment pas.

      ARMADO. – J'ai promis d'étudier trois ans avec le duc.

      MOTH. – Vous pourriez le faire en une heure, monsieur.

      ARMADO. – Impossible.

      MOTH. – Combien fait un répété trois fois?

      ARMADO. – Je sais mal compter: c'est le talent d'un garçon de cabaret.

      MOTH. – Vous êtes un gentilhomme, monsieur, et un joueur.

      ARMADO. – J'avoue tous les deux; tous deux sont le vernis qui rend un homme accompli.

      MOTH. – En ce cas, je suis sûr que vous savez très-bien à quelle somme montent deux as.

      ARMADO. – Elle monte à un de plus que deux.

      MOTH. – Ce que le pauvre vulgaire appelle trois.

      ARMADO. – Cela est vrai.

      MOTH.