Джек Марс

Président Élu


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ira mal sans vous. Ils vous supplieront de revenir.

      Elle secoua la tête, et son sourire devint plus lumineux.

      – Je ne crois pas que ça marche comme ça.

      – Je ne le crois pas non plus, opina-t-il.

      Elle laissa échapper un long soupir.

      – Où étiez-vous donc, Luke Stone ? Vous auriez dû rester dans les parages. On s’est bien amusé ici, une fois que le chaos s’est un peu calmé. On a fait plein de bonnes choses. Et fut un temps où vous alliez m’apprendre à tirer. Vous vous souvenez ?

      Il haussa les épaules.

      – Ouais. Vous vouliez abattre le chef d’État-Major des armées, je me rappelle. Mais je n’avais pas touché un flingue depuis neuf mois. J’allais au stand de tir de temps en temps, afin de garder la forme. Puis je me suis dit : « À quoi bon ? » Je ne veux plus tirer sur personne. Mais si un jour je dois le faire, je suis presque sûr que ça me reviendra.

      – Comme savoir faire du vélo ? releva-t-elle.

      – Ou savoir en tomber, sourit-il.

      Susan se redressa dans son fauteuil et lui indiqua une chaise face à elle.

      – Vous ne savez vraiment pas ce qui se passe ?

      Luke s’assit. C’était une chaise à dossier droit, ni confortable ni inconfortable.

      – J’ai entendu quelques rumeurs. Le nouveau est d’extrême-droite. Il n’aime pas les Chinois. Il va relocaliser les emplois industriels. Je ne sais pas trop comment il compte s’y prendre… Virer tous les robots ? De toute façon, si c’est ce que les gens veulent…

      – L’ignorance, c’est le bonheur, j’imagine, soupira Susan.

      – Pas vraiment le bonheur, mais…

      – Cet homme est un fasciste, le coupa-t-elle. C’est un milliardaire, un baron voleur qui a créé des groupes de suprémacistes blancs il y a des décennies, alors même qu’il était au Sénat apparemment. Il prévoit d’entrer en guerre contre la Chine dès le premier jour de son investiture, peut-être avec des frappes nucléaires tactiques, bien que je ne sais pas trop combien de gens y croient vraiment. Il veut ériger des murs et des barrières de sécurité autour des Chinatowns de toutes les villes américaines. Ses réflexions laissent à penser qu’il hait les minorités, les homosexuels, les handicapés, tous ceux qui ne sont pas de son avis, et aussi qu’il méprise l’indépendance de l’appareil judiciaire du gouvernement.

      Luke ne savait pas trop qu’en penser. Il n’était plus dans le coup depuis longtemps. Il faisait confiance à Susan, et il savait qu’elle croyait ce qu’elle disait. Mais il avait du mal à y croire lui-même. Il avait servi dans l’armée sous des présidents conservateurs, et dans la Special Response Team sous des présidents libéraux. Oui, ils étaient différents les uns des autres, mais l’étaient-ils radicalement ? La suprématie des Blancs, les barrières de sécurité autour des enclaves de minorités étaient-elles différentes ? Non, pas vraiment. Peu importe qui était au poste suprême, il y avait toujours ce truc que l’on pourrait appeler « la manière américaine ».

      – Et vous dites que les gens ont voté pour ça ? s’étonna-t-il.

      Susan secoua de nouveau la tête, avec énergie cette fois.

      – Nous pensons qu’il y a eu fraude électorale et suppression de bulletins à grande échelle dans au moins cinq États, tous des États pivots. C’est pourquoi je dis qu’ils ont truqué l’élection.

      Luke commençait à avoir une vue d’ensemble du puzzle, mais il manquait encore des pièces.

      – Vous voulez que j’enquête là-dessus ? C’est la raison pour laquelle vous m’avez fait venir ici ? Il me semble qu’il y aurait des centaines d’autres…

      – Non, le coupa-t-elle. Vous avez raison. Il y a des centaines d’autres personnes. Nous avons des analystes de données qui se penchent sur les machines de vote. Nous avons des enquêteurs qui interrogent les gens sur les suppressions de bulletins, en particulier dans les circonscriptions noires du Sud rural. Et, bien qu’indirectes et empiriques, les preuves sont déjà assez solides. On n’a vraiment pas besoin que vous meniez une enquête.

      Sa réponse le déconcertait, voire l’agaçait un brin. Il s’était isolé en haute montagne afin de régler ses problèmes personnels. Se lancer un défi. Défier Dieu de le tuer. Peut-être même trouver un peu de clarté.

      À présent Luke était de retour à Washington DC, où il s’était fait engueuler par son fils et prendre de haut par son ex-belle-mère. Il était englué dans les embouteillages et subissait des contrôles de sécurité. Il s’était rasé la barbe et fait couper les cheveux. Il était de retour parmi les humains ordinaires, avec leurs intérêts et leurs soucis. Lorsqu’il était soldat au combat, on appelait ça « retour au monde » – un endroit où il n’avait vraiment pas envie d’être.

      – Alors qu’est-ce que je fais ici ? demanda-t-il.

      – Je n’en sais rien encore, répondit-elle. Mais je sais que j’ai besoin de vous. J’ai fait un acte sans précédent en refusant la passation de pouvoir. Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire de l’Amérique. Ça peut rapidement devenir très chaud par ici, et il n’y a pas tellement de personnes en qui j’ai confiance dans mon administration. Je veux dire totalement, à cent pour cent, sans le moindre doute. Quelques-unes, oui, mais pas tant que ça. (Elle tendit le doigt vers lui.) Et vous. Au début de mon mandat de présidente, vous avez sauvé ce pays bien des fois. Vous m’avez sauvé la vie, et celle de ma fille. Vous avez peut-être empêché une guerre nucléaire. Puis vous avez disparu juste au moment où ça allait mieux. Je n’ai jamais rencontré d’autres hommes comme vous, Luke. Vous êtes fait pour les intempéries, c’est le moins qu’on puisse dire. Et j’ai l’impression qu’une tempête se prépare.

      Fait pour les intempéries.

      Il ne l’avait jamais entendu exprimé de cette façon. Mais bien sûr, c’était vrai – elle l’avait bien cerné, mieux que Becca ne l’avait jamais fait. Mieux qu’il ne l’avait jamais fait lui-même. Il n’était pas seulement fait pour ça, il vivait pour ça. Quand le temps était au beau fixe, il s’ennuyait. Il s’éloignait. Il partait à la recherche d’un ouragan dans lequel se perdre.

      – Alors que voulez-vous que je fasse ?

      – Restez à portée de vue. Installez-vous dans la résidence de la Maison-Blanche pour le moment. On peut vous donner un titre officiel : garde du corps personnel, stratège du renseignement, n’importe quoi. C’est un peu bizarre, mais peu importe. Chuck Berg est toujours à la tête du détachement sécurité interne du Secret Service. Il vous connaît et vous respecte. Il y a plein de chambres disponibles. Vous pouvez occuper la chambre Lincoln si vous voulez. Quelques célébrités y ont séjourné. Le chanteur du groupe de rock Zero Hour et sa femme y ont dormi il y a quelques semaines. Des gens sympas – le gars n’a rien à voir avec son personnage de scène. Il a fait beaucoup d’actions caritatives en Afrique, il a financé des systèmes de filtration d’eau, ce genre de choses. (Elle reprit son souffle avant de continuer.) Évidemment, la Maison-Blanche a été complètement refaite il y a deux ans, donc Lincoln lui-même n’a pas réellement dormi dans la nouvelle chambre Lincoln, mais…

      Luke avait l’impression qu’elle déblatérait à présent, telle une fillette tentant d’expliquer quelque chose d’important à un adulte en tournant autour du pot.

      – Vous voulez un doudou, trancha-t-il. C’est pourquoi je suis là.

      – Oui, acquiesça-t-elle. J’en avais un quand j’étais petite. Il était tout doux avec une figure tissée de gentil dinosaure, qui au fil du temps s’est estompée en un flou verdâtre. Je l’avais appelé Petite Couverture. Mon Dieu, ce truc me manque.

      Luke éclata de rire. On aurait dit l’aboiement d’un chien.