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Fachbewusstsein der Romanistik


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les langues sont des acquis culturels qui se caractérisent en premier lieu par leur nom et leur système orthographique. Une langue peut donc être « construite » volontairement, et cela arrive d’ailleurs de temps à autre. À la différence de dialectes « naturels », les langues sont accaparées par les autorités : nous disons qu’elles sont standardisées. Les sept critères ci-après permettent d’identifier une langue-standard et de la démarquer d’autres langues :

      (1) dénomination

      (2) orthographie

      (3) domaine de diffusion

      (4) outils d’enseignement et d’apprentissage

      (5) textes

      (6) actes de parole

      (7) enseignement. (Lüdtke 2005, 723–724)3

      Ainsi, si nous nous interrogeons où en est la philologie romane en ce qui concerne l’explication de la standardisation des langues romanes, nous devons constater que les acquis de la recherche à ce niveau n’ont pas ou peu pris en considération les axiomes 1 à 3 de la philologie romane et leurs conséquences méthodologiques. L’adhésion au caractère oral de la langue et la considération prioritaire de l’usage de la parole ont largement été ignorées dans l’explication de l’origine des langues-standard romanes – comme s’il n’y avait pas de forme de standardisation de langues qui ait explicitement lieu dans le domaine oral. Le concept d’une langue historique est bien évidemment toujours défini par l’interdépendance entre l’oral et l’écrit, ce qui a été décrit de manière convaincante par Koch et Oesterreicher. Mais c’est justement pour cette raison qu’une approche théorico-méthodique de la standardisation linguistique doit considérer l’aspect de l’oralité et prendre en compte le primat de la langue parlée, qui est valable pour toute forme de changement linguistique.

      C’est pour cela que je souhaite suggérer ici un nouveau concept de standardisation linguistique que j’avais déjà présenté en 1997 dans un article intitulé « Varietät und Standard im Sprachkontakt ».4 L’approche que je propose s’intègre aux réflexions faites ici en ce qu’elle adopte non seulement l’axiome d’oralité, mais aussi celui de l’hétérogénéité de la parole. Elle part du modèle classique des structures de variétés de la philologie romane, sans le restreindre à son aspect diatopique.

      La définition de langues-standard comme langues par élaboration au sens de Heinz Kloss constitue le point de départ de ma réflexion. Les variétés devenues langues-standard doivent être comprises comme des langues de culture à large fonction, qui ne sont pas homogènes mais constituent un espace linguistique de variétés caractérisé par un usage communicationnel multiforme :

      La différenciation diatopique, diastratique, diaphasique et diamediale des langues de culture est le résultat d’un procédé hautement complexe qui s’explique par l’expansion de la fonctionnalité communicative et la conservation de traditions discursives. Dans ce contexte, les processus de nivellement intralinguistiques jouent un rôle bien aussi important que les démarcations lectales. (Hoinkes 1997, 37)

      Ma proposition d’une standardologie basée sur l’oralité s’inscrit dans la conception de processus de nivellement intralinguistiques qui, en ce qui concerne le changement linguistique, représentent un antagonisme à l’éventuelle différenciation en dia-variétés. Le procédé s’explique de manière communicative et interactionnelle ; il est déclenché en premier lieu par des situations de contact. Un des fondements du modèle basé sur les variétés linguistiques est la thèse que les langues-standard se définissent à travers l’existence de variétés-standard. De ce point de vue, la langue commune peut être interprétée comme une formation complexe de différentes structures de variété au sein de laquelle la variété-standard se démarque et exerce une fonction communicative importante dans la communauté de locuteurs. La question si la variété-standard observée est endogène ou exogène est décisive pour le processus de standardisation. Elle est endogène si elle est engendrée par l’usage communicatif de la langue de la communauté linguistique et exogène si elle est décisive pour l’évolution linguistique en tant que variété de prestige institutionnalisée.

      Les variétés-standard endogènes et leur formation sont un phénomène auquel la recherche a porté peu d’attention jusqu’à présent :

      D’un point de vue théorique, la formation d’une norme est considérée comme un mécanisme de nivellement entre des variétés ou bien comme préférenciation d’une variété et non comme la création d’une variété totalement nouvelle. Elle repose sur le procédé de la sélection de variantes.

      D’un point de vue structurel, la fonction de la standardisation repose sur la réduction de variations diatopiques, diastratiques et diaphasiques au niveau de la langue commune, en considérant que chaque domaine peut être traité isolément. Cependant, une telle réduction de la variation d’une langue ne se produit pas de manière arbitraire ou aveugle, mais s’oriente toujours à un usage de la langue considéré comme faisant autorité ou même obligatoire. Jörn Albrecht interprète cet usage comme l’existence d’une « forme canonique » d’une langue. […]

      Dans le cadre d’une étude standardologique fondée sur les principes de la linguistique des variétés, il semble cohérent de considérer la « forme canonique » d’une langue et les relations complexes qu’elle entretient avec les normes existantes dans la communauté linguistique comme l’émergence d’une propre variété-standard. (Hoinkes 1997, 38)

      La variété-standard que je postule est, en quelque sorte, le produit provisoire d’une standardisation en constante mouvance, dont on retrouve la dynamique dans les schémas de comportement linguistique provoqués socialement et dans les normes de la communauté linguistique qu’ils engendrent. Ainsi, le quatrième axiome se transforme en axiome de normativité, qui ne peut être mis au même plan que la codification linguistique. L’interprétation proposée détourne notre approche des effets de la planification et conservation linguistique vers l’aspect de l’interaction sociale par la langue, dans laquelle de nombreux paramètres définissant la vie en communauté dans des espaces définis au plan ethnique et culturel dévoilent leur importance. Elle attribue par ailleurs une fonction essentielle aux conditions de vie institutionnelles du lieu ou de la région dans le processus de standardisation.

      Dans un premier temps, la standardologie esquissée n’est qu’une ébauche théorico-méthodologique. Pourtant, et comme je l’ai montré dans mon article de 1997, elle pourrait devenir une méthodique pour l’analyse empirique concrète de formes conflictuelles et dynamiques du contact linguistique (par exemple dans le cas du contact linguistique gascon-français ou catalan-espagnol). Par ailleurs, cette approche ne reste pas uniquement spéculative en ce qui concerne l’interprétation de processus de formation de variétés-standard romanes précoces et de langues-standard. Bien au contraire : elle peut se servir de toute forme de documentation de la production linguistique historique, du comportement linguistique et de la réflexion linguistique historique afin d’analyser les conditions d’un comportement linguistique normatif alors valables. C’est exactement en cela que je vois une mission essentielle de la philologie romane du futur. Ce faisant, elle peut non seulement expliquer pertinemment l’origine orale hétérogène des langues romanes, mais aussi, dans une optique méthodologique s’intéressant au présent, proposer une analyse moderne de processus linguistiques dynamiques dans les différents espaces linguistiques sociaux, ethniques et culturels.

      Bibliographie

      Adams, James N. (2007): The Regional Diversification of Latin. 200 BC – AD 600, Cambridge, Cambridge University Press.

      Becker, Lidia (2014): „La protohistoire médiévale des langues romanes“, in: Klump, Andre/Kramer, Johannes/Willems, Aline (eds.): Manual des langues romanes, Berlin/New York, de Gruyter, 261–286.

      Berschin, Helmut/Felixberger, Josef/Goebl, Hans (1978): Französische Sprachgeschichte, München, Hueber.

      Coseriu,