le temps j’appris à contenir mon entêtement), et puis Dieu me donna la réponse dans un rêve, à l’époque où je vivais à Schmalkalden. En me réveillant, je me souvins de tous les détails de ce que j’avais vu dans mon rêve, et cela me donna beaucoup à réfléchir. J’appelais donc Friede-Renate, qu’entre-temps je connaissais bien, pour lui demander si je pouvais passer chez elle pour que nous puissions écouter ensemble ce que Dieu avait à me dire.
Friede-Renate était notre ancienne pasteure, et j’ai momentanément vécu dans la même maison qu’elle. C’est une personne affectueuse et extrêmement empathique, qui sait être présente pour les gens — et qui sait encore mieux les écouter ! Jusqu’à aujourd’hui, elle a été pour beaucoup de personnes dans le besoin un point de repère. C’est aussi elle qui m’a inspirée à développer et à proposer un séminaire sur « la guérison interne ». Je lui racontais donc mon rêve, puis nous portâmes cela devant Dieu — et ensuite nous restâmes silencieuses. Ce fut la première fois pour moi que je bénéficiais de la « prière contemplative ». Cela peut paraître simple comme ça, mais ça ne l’est pas du tout : après deux minutes, on a l’impression qu’une demi-heure s’est écoulée !
Mais ce fut différent ce jour-là : je m’adossais et fermais les yeux, et vit soudainement un film défiler devant moi : une pièce, un peu sombre, avec quelques personnes. Je reconnus mon grand-père et ma grand-mère, mais ils avaient l’air très jeunes.
Et puis ma mère : jeune, jolie, très distinguée avec ses cheveux noirs mi- longs. Elle souriait sans arrêt à un homme que je ne connaissais pas, mais il ne m’était pas vraiment étranger. Au bout d’un moment, ma mère et l’homme se retrouvent seuls dans la pièce, ce qui a pour conséquence de les rapprocher davantage. C’est seulement après que ma mère et l’homme inconnu eurent couché ensemble qu’ils se séparèrent.
Je lus ensuite dans ce « film » qu’il y avait écrit sur un panneau « 2 août 1958, 19 ans ». Cela me prit un moment avant de comprendre qu’il s’agissait du 19e anniversaire de ma mère, et qu’elle m’avait accueillie ce jour-là – de l’homme inconnu.
Je vis ensuite que ce fut bien plus tard cet été là qu’elle avait comprit qu’elle était enceinte. Cela ne la réjouit pas vraiment – et je pèse mes mots. (Mais quel que soit l’endroit où ses pensées dérivèrent : Dieu m’aima et me voulut déjà à ce moment-là, quand j’étais encore toute petite dans le ventre de ma mère.)
Le rêve continua : dans la maison dans laquelle vivaient mon grand-père, ma grand-mère et ma mère, il y avait encore un vieux couple marié. L’homme s’appelait Paul, il était très grand et très maigre. Sa femme, qui était petite, ronde et très aimable, s’appelait Pauline. Amusant, mais vrai !
Pauline réconforta ma mère, et la convainc de ne pas désespérer et d’aller au terme de cette grossesse — c’est ce que je vis dans le « film », et cela me fit pleurer.
(Je n’ai jamais rencontré Paul ni Pauline, ils décédèrent l’un peu après l’autre alors que je portais encore des couches ; mais je suis très reconnaissante à eux deux, qu’ils aient été là au bon moment. Ma mère me confirma plus tard que Paul et Pauline avaient effectivement existé ; aujourd’hui je m’appelle moi-même Paul, bien que ce ne soit que mon nom de famille. C’est plutôt approprié, d’une certaine manière, on peut considérer Paul et Pauline comme mes grands-parents aidants !)
Je racontais bien entendu à Friede-Renate ce que j’avais vu, et nous priâmes de nouveau ensemble. Nous portâmes ensemble tout ce chaos devant la croix de notre Seigneur et je pus réellement ressentir qu’un poids me fut pris des épaules.
Tout à coup je compris ce qui se passait. Je compris pourquoi la mère s’était engagée avec cet homme, je compris pourquoi elle avait été aussi atterrée en découvrant sa grossesse, et je compris aussi pourquoi elle voulait se débarrasser de moi. Jésus prit tout à lui, ma douleur, ma peine, il était avec moi chaque seconde. Mais qu’est-ce que je devais faire maintenant ? Je ne pouvais même pas m’imaginer de discuter de cette histoire avec ma mère. Mais ce n’est pas ce que je devais et pouvais faire, car notre Seigneur le fait beaucoup mieux que moi, et de toute manière les choses ne vont pas si vite.
S’il me fallut peu de temps cet après-midi là pour tout découvrir, il me fallut environ une demi-année pour tout accepter. Ma mère dut sentir que quelque chose n’allait pas, mais elle n’osa pas me demander. Je suis reconnaissante pour cette prise de distance ; j’en avais besoin pour faire face, pour remettre cette chose en moi sur la bonne voie.
Peu à peu, le souhait de lui en parler devint plus grand. Dieu fit son travail et me fit comprendre que je devais appeler ma mère pour l’inviter à venir passer quelques jours chez moi. Cela n’était encore jamais arrivé et je doutais fort que ma mère accepte cette proposition ; mais cela devait être ainsi : quand Dieu prend les choses en main, le résultat est souvent différent de ce que l’on aurait pu penser.
J’appelais donc ma mère qui ne mit pas longtemps avant de me dire « Oui » ! J’étais très étonnée, mais je compris tout de suite que Jésus était aux commandes. Lorsqu’elle vint quelques temps plus tard, elle me dit qu’elle voulait rester deux semaines ! Bien, comme ça nous aurions tout le temps pour nous « apprivoiser».
Au début de la deuxième semaine, je pris donc le temps d’aborder la question de notre relation, et de ce que j’avais vu dans le « film », afin d’éclaircir et d’enterrer cette douloureuse histoire. Ce que nous abordions fut difficile ; ma mère passa par tous les états de la résistance : colère, remords, et à la fin le désarroi et les larmes du laisser-aller.
Ce jour-là, je sentis la proximité et l’amour de Dieu comme jamais je ne l’avais ressenti ; ce jour-là, le problème avait pu être réglé pour moi, et ma mère commença à remettre de l’ordre dans sa vie. Malheureusement, elle est restée à mi-chemin, mais c’est une chose avec laquelle je ne peux pas l’aider, elle doit le voir elle-même. Elle sait ce qu’il y a à faire, elle connaît le chemin et elle sait également qu’elle peut demander à être accompagnée sur celui-ci ; mais elle doit faire les pas par elle-même, et pour cela, personne ne peut l’aider.
Je ne peux que conseiller à quiconque : ne repousse pas les choses que tu dois mettre au clair. Ce que tu résous ici-bas le sera aussi dans les Cieux, et alors la joie se répandra dans ta vie.
Précieux souvenirs
Mon grand-père était l’homme le plus adorable que j’ai connu — c’est toujours ce que je ressens aujourd’hui. Peu importe ce que je devais ou voulais savoir : mon grand-père le savait. Il m’apprit tout ce que la biologie peut nous apprendre sur la nature.
Je connaissais ainsi toutes les sortes de champignons qui poussaient chez nous dans la forêt, et savais aussi où on pouvait les cueillir. Mon grand-père m’apprit comment le sol était constitué, et sur lequel telle ou telle sorte de champignon serait susceptible de pousser. Les heures que j’ai passées avec lui étaient les plus belles de mon existence !
Mon grand-père était pour moi la personne la plus intelligente au monde, parce qu’il savait tout simplement tout. Il s’y connaissait avec les animaux, les plantes, avec l’univers — et avec les humains ; j’étais fascinée avec quelle attention mon grand-père observait les gens et les analysait très justement. Souvent, je retrouve en moi sa manière logique de réfléchir. Mes professeurs en étaient si souvent frappés qu’ils en firent état jusque dans mon carnet de notes.
Lors d’une magnifique journée d’été, pendant la période de fenaison, mon grand-père m’emmena sur la charrette pour la récolte du foin. Du haut de mes quatre ou cinq ans, j’essayais tant bien que mal de ramasser le foin aussi efficacement que lui — ce que je ne réussis pas, bien entendu.
Après avoir étalé le foin en rangées, celles-ci étaient amoncelées en tas ; à l’aide d’une grande fourche,