G. Reuschle.—Philosophie und Naturwissenschaft. 1874.
K. Dieterich.—Philosophie und Naturwissenschaft, ihr neuestes Bündniss und die monistische Weltanschauung. 1875.
Herbert Spencer.—Système de Philosophie Synthétique. 1875.
Fr. Ueberweg.—Grundriss der Geschichte der Philosophie (8e édition revue et corrigée par Max Heinze). 1897.
Fr. Paulsen.—Einleitung in die Philosophie (5e édition). 1892.
Ernest Haeckel.—Histoire de la création naturelle. Conférences scientifiques populaires sur la doctrine de l'évolution. Trad. Letourneau.
A la fin du XIXe siècle, date à laquelle nous sommes arrivés, le spectacle qui s'offre à tout observateur réfléchi est des plus remarquables. Toutes les personnes instruites s'accordent à reconnaître que, sous bien des rapports, ce siècle a dépassé infiniment ceux qui l'avaient précédé et qu'il a résolu des problèmes qui, à son aurore, semblaient insolubles. Non seulement les progrès ont été étonnants dans la science théorique, dans la connaissance réelle de la nature, mais en outre, leur merveilleuse application pratique dans la technique, l'industrie, le commerce, etc.—si féconde en résultats admirables—a imprimé à notre vie intellectuelle moderne, tout entière, un caractère absolument nouveau. Mais, d'autre part, il est d'importants domaines de la vie morale et des relations sociales, sur lesquels nous ne pouvons revendiquer qu'un faible progrès par rapport aux siècles précédents—souvent, hélas! nous avons à constater un recul.
Ce conflit manifeste amène non seulement un sentiment de malaise, celui d'une scission interne, d'un mensonge, mais en outre il nous expose au danger de graves catastrophes sur le terrain politique et social.
C'est, dès lors, non seulement un droit strict mais aussi un devoir sacré pour tout chercheur consciencieux qu'anime l'amour de l'humanité, de contribuer en toute conscience à résoudre ce conflit et à éviter les dangers qui en résultent. Ce but ne peut être atteint, d'après notre conviction, que par un effort courageux vers la connaissance de la vérité et, solidement appuyée sur celle-ci, par l'acquisition d'une philosophie claire et naturelle.
Progrès dans la connaissance de la nature.—Si nous essayons de nous représenter l'état imparfait de la connaissance de la nature au début du XIXe siècle et si nous le comparons avec l'éclatante hauteur qu'il a atteinte à la fin de ce même siècle, le progrès accompli doit paraître, à tout homme capable d'en juger, merveilleusement grand. Chaque branche particulière de la science peut se vanter d'avoir réalisé en ce siècle—surtout pendant la seconde moitié—des conquêtes extensives et intensives, de la plus haute portée. Le microscope pour la science des infiniment petits, le télescope pour l'étude des infiniment grands, nous ont acquis des données inappréciables auxquelles, il y a cent ans, il aurait paru impossible de songer. Les méthodes perfectionnées de recherches microscopiques et biologiques nous ont non seulement révélé partout, dans le royaume des protistes unicellulaires, un «monde dévies invisibles», d'une infinie richesse de formes,—elles nous ont encore fait connaître, avec la plus minuscule des cellules, l'«organisme élémentaire» qui constitue, par ses associations de cellules, les tissus dont est composé le corps de toutes les plantes et de tous les animaux pluricellulaires, tout comme le corps de l'homme. Ces connaissances anatomiques sont de la plus grande importance; elles sont complétées par la preuve embryologique que tout organisme supérieur, pluricellulaire, se développe aux dépens d'une cellule simple, unique, l'«ovule fécondé». L'importante théorie cellulaire, fondée là-dessus, nous a enfin livré le vrai sens des processus physiques et chimiques, aussi bien que des phénomènes de la vie psychologique, phénomènes mystérieux pour l'explication desquels on invoquait auparavant une «force vitale» surnaturelle ou une «âme, essence immortelle». En même temps, la vraie nature des maladies, par la pathologie cellulaire qui se rattache étroitement à la théorie cellulaire, est devenue claire et compréhensible pour le médecin.
Non moins remarquables sont les découvertes du XIXe siècle dans le domaine de la nature inorganique. Toutes les parties de la physique ont fait les progrès les plus étonnants: l'optique et l'acoustique, la théorie du magnétisme et de l'électricité, la mécanique et la théorie de la chaleur; et, ce qui est plus important, cette science a démontré l'unité des forces de la nature dans l'Univers tout entier. La théorie mécanique de la chaleur a montré les rapports étroits qui existent entre ces forces et comment, dans des conditions précises, elles peuvent se transformer l'une en l'autre. L'analyse spectrale nous a appris que les mêmes matériaux qui constituent notre corps et les êtres vivants qui l'habitent, sont aussi ceux qui constituent la masse des autres planètes, du soleil et des astres les plus lointains. La physique astrale a élargi, dans une grande mesure, notre conception de l'Univers, en nous montrant dans l'espace infini des millions de corps tourbillonnant, plus grands que notre terre et, comme elle, se transformant continuellement, alternant à jamais entre «devenir et disparaître». La chimie nous a fait connaître une quantité de substances autrefois inconnues, constituées toutes par un agrégat de quelques éléments irréductibles (environ soixante-dix) et dont certaines ont pris, dans tous les domaines de la vie, la plus grande importance pratique. Elle nous a montré dans l'un de ces éléments, le carbone, le corps merveilleux qui détermine la formation de l'infinie variété des agrégats organiques et qui, par suite, représente la «base chimique de la vie». Mais tous les progrès particuliers de la physique et de la chimie, quant à leur importance théorique, sont infiniment dépassés par la découverte de la grande loi où ils viennent converger comme en un foyer: la loi de substance.
Cette «loi cosmologique fondamentale», qui démontre la permanence de la force et celle de la matière dans l'Univers, est devenue le guide le plus sûr pour conduire notre philosophie moniste, à travers le labyrinthe compliqué de l'énigme de l'Univers, vers la solution de cette énigme.
Comme nous nous efforcerons, dans les chapitres suivants, d'atteindre à une vue d'ensemble sur l'état actuel de la science de la nature et sur ses progrès en notre siècle, nous ne nous arrêterons pas davantage ici sur chacune des branches particulières de cette science. Nous voulons seulement signaler un progrès immense, aussi important que la loi de substance et qui la complète: la théorie de l'évolution. Sans doute, quelques penseurs, chercheurs isolés, avaient parlé depuis des siècles de l'évolution des choses; mais l'idée que cette loi gouverne tout l'Univers et que le monde lui-même n'est rien autre qu'une éternelle «évolution de la substance», cette idée puissante est fille de notre XIXe siècle. Et c'est seulement dans la seconde moitié de ce siècle qu'elle a atteint une entière clarté et une universelle application. L'immortelle gloire d'avoir donné à cette haute idée philosophique un fondement empirique et une valeur générale, revient au grand naturaliste anglais Charles Darwin; il a donné, en 1859, une base solide à cette théorie de la descendance dont le génial Français Lamarck, philosophe et naturaliste, avait déjà posé en 1809 les traits principaux et que le plus grand de nos poètes et de nos penseurs allemands, Gœthe, avait déjà prophétiquement entrevue en 1799. Par là nous était donnée la clef qui devait nous aider à résoudre le «problème des problèmes», la grande énigme de l'Univers, à savoir la «place de l'homme dans la Nature» et la question de son origine naturelle.
Si, en cette année 1899, nous sommes à même de reconnaître clairement l'extension universelle de la loi d'évolution—et de la Genèse moniste!—et de l'appliquer conjointement à la loi de substance, à l'explication moniste des phénomènes de la Nature, nous en sommes redevables en première ligne aux trois philosophes naturalistes de génie dont nous avons parlé; aussi brillent-ils à nos yeux, parmi tous les autres grands hommes de notre siècle, pareils à trois étoiles de première grandeur[1].
A ces extraordinaires progrès de notre connaissance théorique de la nature correspondent leurs applications variées à tous les domaines de la vie civilisée. Si nous sommes aujourd'hui à «l'époque du commerce», si les échanges internationaux et les voyages ont pris une importance