Cités et ruines américaines: Mitla, Palenqué, Izamal, Chichen-Itza, Uxmal
se fasse un mélange entre le sang blanc et le sang noir ou jaune. Cette sorte de fermentation nécessaire à la production des œuvres d'art se manifeste différemment si le mélange se fait à doses inégales, et surtout s'il se fait entre l'aryan et le touranien, ou entre l'aryan et le mélanien. Là, par exemple, où le mélange se fait entre l'aryan et le noir, apparaissent les constructions en grand appareil sans l'aide du ciment ou du mortier, les monolithes. Là les lois les plus simples de la statique sont seules admises, comme dans l'architecture égyptienne, et même plus tard dans l'architecture de l'Ionie et de l'Hellade. Mais si l'on trouve dans un monument des traces de mortier, de blocages, de pierres agglutinées par une pâte, on peut être assuré que le sang touranien ou finnois s'est mêlé au sang aryan. Alors la population conquise laisse, jusqu'aux époques les plus éloignées de la conquête, la trace de sa présence, car c'est elle qui construit, c'est elle qui taille la pierre et qui la pose, c'est elle qui emploie les méthodes propres à sa race. Cependant l'aryan, pour qui la structure de bois est un souvenir, une tradition des premiers temps, un signe de la supériorité de caste; l'aryan, dis-je, entend que, quelle que soit la méthode de bâtir admise par la race asservie, elle laisse subsister la trace de cette sculpture sacrée de bois, considérée comme ayant servi de demeure aux héros primitifs.
Aussi, dans l'Inde, en Asie Mineure, en Égypte même, comme dans l'Yucatan, retrouve-t-on partout, dans l'architecture de pierre, et quelle que soit la méthode employée par les constructeurs, la tradition de la structure de bois, comme étant celle qui rappelle l'origine noble de la race supérieure et conquérante. À cette règle, les tumuli, pyramides, téocalli font seuls exception; mais c'est que ces amas de terre ou de pierre, ces montagnes factices que l'on rencontre dans la Sibérie méridionale, dans l'Inde, en Asie Mineure, en Égypte, en Amérique, depuis les contrées septentrionales jusqu'au Pérou, en Europe, et particulièrement là où les invasions venues de l'Orient ont pénétré, sont partout des monuments funéraires dans l'origine, élevés sur la dépouille des héros, des demi-dieux, et sur lesquels plus tard, comme en Amérique, on bâtit le temple.
L'idée de la divinité résidant sur les montagnes appartient particulièrement à la race aryane, qui place toujours ses monuments sacrés sur des hauteurs naturelles, et, à leur défaut, sur des hauteurs factices. La montagne et la forêt sont les conditions essentielles au culte des races aryanes, et c'est, encore une fois, un souvenir des origines divines que se donne cette race sortie des montagnes et des forêts septentrionales du continent asiatique. Quelques savants de notre temps[47] pensent, non sans de fortes raisons, que la race jaune, originaire du vaste continent américain, se serait répandue au nord de l'Asie, chassant devant elle, vers le sud-est et l'ouest, des races mélaniennes qui alors occupaient ces immenses contrées. Mêlée à cette race noire, elle aurait formé la grande famille malaye le long des côtes orientales de l'Asie, et se serait étendue par la Sibérie jusque vers l'Europe, alors déserte. Que cette bifurcation de la race jaune ait eu lieu en effet, l'histoire ne remonte pas si haut; elle ne commence à poindre qu'avec les races civilisatrices, et la civilisation ne pouvait procéder de ce mélange des deux races inférieures. Plus de cinq mille ans avant notre ère, des plateaux septentrionaux de l'Inde descendent, au milieu de cet amas de peuplades grossières, les hommes blancs, possédant une cosmogonie savante, puisque toutes les religions n'ont fait depuis qu'en recueillir les débris. Forts, se considérant comme supérieurs aux autres humains, entreprenants, particulièrement aptes à gouverner, ils poussent devant eux, descendant vers le sud-ouest, ces flots de noirs et de métis, à travers les plaines du Tourân, et s'établissent dans l'Asie Mineure[48]. Depuis lors, le courant ne s'arrête plus jusque vers les premiers siècles du christianisme. Ce grand réservoir de la race blanche s'épanche, à plusieurs reprises, par le Tourân et le Caucase, sur l'Asie Mineure et jusqu'en Égypte, dans la péninsule indienne, en Perse, le long de la mer Caspienne, du Bosphore, jusqu'à la Grèce et sur toute l'Europe occidentale. Il jette des dominateurs civilisateurs sur la Chine et sur le Japon. Seul, le continent américain serait-il resté en dehors de l'influence de ces incessantes émigrations? Est-il possible d'admettre cet isolement, lorsque sur le continent américain nous retrouvons des monuments qui indiquent la trace de ces peuplades indo-septentrionales? lorsque nous retrouvons dans le Mexique des armes et des ustensiles qui rappellent par leur forme et leur matière ceux que l'on découvre en Asie Mineure, tels, par exemple, que ces flèches en obsidienne, ces vases en terre revêtus de peintures[49], et mieux que tout cela, sur les monuments existants, des figures qui conservent le type des peuplades blanches indo-septentrionales? lorsque tous les monuments bâtis, figurés ou écrits, nous laissent entrevoir les enseignements, altérés il est vrai, d'une même cosmogonie? Il s'élève cependant contre l'hypothèse d'une émigration blanche indo-septentrionale en Amérique, soit par le détroit de Behring, soit par le Groenland, de graves objections. Nulle part on ne constate, dans l'Amérique centrale, avant l'arrivée des Espagnols, la trace de chevaux, par exemple. Or le cheval est le compagnon inséparable de l'Aryan.
Les peuples blancs, là où ils pénètrent, combattent sur des chars, chez les Hindous, chez les Assyriens, les Perses et les Mèdes, en Égypte, en Grèce, en Italie, dans le nord de la Gaule, en Bretagne, en Germanie et en Scandinavie. Or, au Mexique, le cheval n'est représenté nulle part sur les monuments. Les bas-reliefs si curieux de Chichen-Itza nous montrent les guerriers combattant à pied des serpents et des tigres. Nous ne trouvons sur ces monuments figurés, pas plus que dans les textes, la trace de pasteurs. Dans le Popol-Vuh, l'animal domestique n'existe pas, les habitudes des pasteurs ne laissent aucune trace; le principe de la famille, si puissant chez tous les peuples aryans ou issus d'aryans, le patriarcat est confus; toutefois la caste existe, ainsi que la noblesse du sang.
Si, dans la Floride, les Espagnols ont vu des troupeaux de bestiaux domestiques, il ne paraît pas que les Mexicains en aient jamais possédés; or l'aryan est pasteur. On ne conçoit guère même comment des édifices aussi considérables que ceux du Mexique ont pu être construits sans le concours de bêtes de somme. Quant à ce dernier point, n'oublions pas que, dans l'empire de Montézuma, des hommes, considérés comme appartenant à une race inférieure, étaient soumis aux travaux imposés aux brutes, et que l'idée de la supériorité de caste est tellement évidente dans le Popol-Vuh, par exemple, que le peuple, c'est-à-dire la masse étrangère aux tribus quichées, n'est jamais désigné que sous des noms d'animaux; ce sont les fourmis, les rats, les singes, les oiseaux, les tortues, les abeilles, etc. À chaque instant, dans ce livre, ces bêtes sont chargées, par les nobles quichés, de messages, d'entreprises; c'est avec leur aide que les Xibalbaïdes sont détruits, et ce sont même les animaux alliés qui sont chargés d'assurer les suites de la conquête.
N'y a-t-il pas là un signe évident de la race blanche au milieu de populations regardées par elle comme très-inférieures? Quant aux chevaux, si les tribus blanches qui ont envahi le Mexique ne sont arrivées du nord, comme tout porte à le croire, qu'après une suite d'étapes prolongées peut-être pendant plusieurs siècles, et après un ou plusieurs voyages à travers l'Océan, il ne serait pas surprenant, qu'arrivés sous le 20e degré de latitude, ils n'eussent plus possédé un seul cheval, qu'ils eussent perdu même le souvenir de ces compagnons de leurs expéditions. D'ailleurs, il paraît évident que ces émigrations blanches étaient, relativement à ce qu'elles furent en Asie et en Europe, peu nombreuses. Leur disparition presque totale et le peu de fixité de leurs établissements en Amérique en serait une preuve.
Doit-on conclure de l'état sauvage actuel d'une grande partie des populations de l'Amérique que ces peuples ne sont pas encore civilisés ou qu'ils nous laissent voir les restes de civilisations depuis longtemps étouffées? Cette dernière hypothèse est adoptée par Guillaume de Humboldt, et elle paraît très-voisine de la vérité, si l'on considère qu'à l'époque de la conquête des Espagnols, Fernand Cortez trouva en Amérique des États policés là où l'on ne rencontre plus que des populations misérables, clair-semées au milieu des déserts, et que ces États avaient atteint déjà l'ère de leur décadence.
Mais telle est la puissance de la race blanche que, si faible qu'elle soit numériquement parlant, elle laisse des traces indélébiles, et que seule elle possède ce privilège d'inaugurer les civilisations. En l'état de mélange où se rencontrent les grandes races humaines sur la surface du