Figuier Louis

Gutenberg, pièce historique en 5 actes, 8 tableaux


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Gutenberg, Friélo.

       Table des matières

      GUTENBERG, FRIÉLO, puis FUST

      GUTENBERG, à part.

      Que peut avoir à demander le riche financier au pauvre orfèvre?

      FRIÉLO, revenant de la boutique du marchand d'estampes.

      Voici le seigneur Fust.

      C'est une chose vraiment merveilleuse que d'avoir pu contrefaire ainsi des manuscrits! Que de florins à gagner avec une pareille découverte! Si je pouvais décider l'inventeur à me dire son secret! Il est jeune, il est pauvre... j'en aurai facilement raison, (Haut, à Gutenberg.) C'est vous, jeune homme, qui avez gravé ces feuillets?

      GUTENBERG.

      Oui, messire.

      FRIÉLO, à part.

      Le vilain museau! On dirait une fouine!

      FUST.

      Mais avez-vous pensé au danger que vous pouvez courir en essayant d'imiter les manuscrits?

      GUTENBERG.

      À quel danger, messire?

      FUST.

      Au plus grand de tous, à une accusation de sorcellerie.

      GUTENBERG.

      De sorcellerie? Par exemple!...

      FUST.

      Ceci est plus sérieux que vous ne le pensez, jeune homme. Il est certain qu'en ce moment, les copistes de Mayence fomentent contre vous un complot. Ils prétendent que vous avez fait là œuvre de sorcellerie. Et je viens, en ami, vous engager à ne pas continuer des travaux, qui ne pourraient que vous devenir funestes.

      GUTENBERG.

      Je vous remercie, messire Fust, de l'intérêt que vous me témoignez; mais espoir, fortune avenir, tout, pour moi, réside dans l'invention dont vous tenez les premiers essais. Rien ne pourra m'obliger à abandonner des travaux qui feront la gloire de ma vie.

      FUST.

      Réfléchissez, jeune homme! Une accusation de sorcellerie est chose bien grave!... Dans les temps où nous vivons, c'est quelquefois s'exposer à de grands périls que de lancer une idée nouvelle.

      GUTENBERG.

      Blâmeriez-vous une œuvre qui doit être un des plus grands bienfaits accordés à l'humanité?

      FUST.

      Nullement!... Aussi suis-je venu vous faire une proposition, qui comblera tous vos vœux.

      GUTENBERG.

      Ah!

      FUST.

      Je vous l'ai dit, les bourgeois de Mayence sont mal disposés contre vous. Ils s'inquiètent d'une invention qui leur paraît avoir un certain caractère magique. Seul, inconnu et sans fortune, vous ne pourrez lutter contre les préjugés populaires, et votre invention périra.

      GUTENBERG.

      Et moi je vous dis qu'elle vivra, messire Fust!

      FUST.

      Oui, si elle est patronnée par un homme dont le renom, la position et le crédit, la mettent à l'abri de tout soupçon... Dites un mot et je suis cet homme. Vous avez l'idée, j'ai l'expérience.... et l'argent. À nous deux, nous réaliserons une œuvre qui, sans mon appui, ne verrait jamais le jour!

      FRIÉLO, à part.

      Ma foi, l'esprit du vieux renard vaut mieux que son visage. (À Gutenberg.) Acceptez, mon cher maître, et votre fortune est faite. Le seigneur Fust est si riche!

      FUST.

      Eh bien! vous ne répondez rien? Vous ne me prenez pas au mot?

      GUTENBERG.

      Je regrette de si mal accueillir une ouverture, qui m'honore, messire argentier; mais je n'ai besoin du secours de personne. Si la jeunesse n'a ni renom, ni crédit, elle a, du moins, le courage et la foi, c'est-à-dire, les leviers qui soulèvent le monde. Excusez-moi donc si je refuse votre offre généreuse.

      FUST.

      Voilà bien la jeunesse! orgueilleuse, enthousiaste, et ne doutant de rien! Vous ne penserez pas toujours de même. L'illusion, c'est par là que commencent tous les inventeurs; mais bientôt arrivent les difficultés, les mécomptes et le découragement. Un jour viendra où vous regretterez amèrement votre refus, et où vous me supplierez de vous accorder l'aide, la protection que vous repoussez aujourd'hui.

      FRIÉLO, à Gutenberg.

      Ah! cher maître! mieux vaut tout de suite que plus tard. Je vous en conjure, écoutez les conseils du seigneur Fust: ce sont ceux de la raison.

      GUTENBERG.

      Ma découverte m'est plus précieuse que la vie, messire. Je ne la divulguerai à personne.

      Jeu de scène de Friélo, qui supplie son maître d'accepter. Gutenberg, impatienté, lui fait signe de sortir.

      FUST, à part.

      Je veux ton secret, je l'aurai... je l'aurai à tout prix! (Haut, il remonte.) Au revoir, Jean Gutenberg, au revoir.

      Il le salue et sort par la droite, deuxième plan.—Friélo sort par la gauche, sur un nouveau signe de Gutenberg.

      NOTES:

      [A] Friélo, Gutenberg, Fust.

       Table des matières

      GUTENBERG, seul

      Les voilà bien ces hommes d'argent! Tout est pour eux une question de lucre, de calculs et de bénéfice! Ils découragent, ils désespèrent l'artiste, pour s'emparer de sa création, ou pour la payer moins cher! (Étendant le bras du côté où est sorti Fust.) Non, jamais, entends-tu, jamais, tu ne toucheras à mon œuvre! Plutôt la voir périr que de te la confier!

       Table des matières

      GUTENBERG, CONRAD HUMMER, ANDRÉ DRITZEN

      CONRAD HUMMER.

      Qu'as-tu donc, Gutenberg? Te voilà tout agité.

      Il serre la main de Gutenberg.

      GUTENBERG.

      C'est que je viens d'avoir un entretien, et presque une altercation, avec l'argentier Fust.

      ANDRÉ DRITZEN.

      L'argentier Fust! Méfie-toi de cet homme. Il est capable de tout, pour arriver à ses fins.

      GUTENBERG.

      Il est sorti furieux, parce que j'ai refusé de le prendre pour associé.