écoutez!) Il y a précisément le même degré d'absurdité dans ce système, que dans celui qui prévalait, il y a deux siècles, alors que la loi réglait la grandeur, la forme, la qualité du linge de table, prescrivait la substitution d'une agrafe à un bouton, et indiquait le lieu où devait se tisser la serge, et celui où devait se fabriquer le drap (Rires et applaudissements.) C'est là le principe sur lequel on agit encore. Alors on intervenait dans l'industrie des comtés: aujourd'hui on intervient dans l'industrie des nations. Dans l'un et l'autre cas, on viole ce que je soutiens être le droit naturel de chacun: – échanger là où il lui convient. (Applaudissements.) – Messieurs, ce système, cet abominable système ne peut pas durer. (Acclamations.) C'est pourquoi je me réjouis que nous ayons entrepris de venger les lois et les droits de la nature, en employant tous nos efforts pour le renverser. (Applaudissements.) Mais, pour arriver au triomphe de notre principe, il faut d'abord que nous détruisions, en nous-mêmes et dans le pays, les préjugés qui lui font obstacle, car, quoique la doctrine que nous combattons nous apparaisse, à nous, comme évidemment funeste et odieuse, nous ne devons pas oublier qu'elle prévaut, dans ce monde, à peu près depuis qu'il est sorti des mains du Créateur. Notre rôle est véritablement celui de réformateurs; car nous sommes aux prises avec le monopole, système qui, sous une forme ou sous une autre, remonte, je crois, à la période adamique, ou du moins aux temps diluviens. (Rires.) Ce ne sera pas la moindre gloire de l'Angleterre, qui a donné au monde des institutions libres, la presse, le jury, les formes du gouvernement représentatif, si elle est encore la première à lui donner l'exemple de la liberté commerciale. (Bruyantes acclamations.) Car, ne perdez pas de vue que ce grand mouvement se distingue, parmi tous ceux qui ont agité le pays, en ce qu'il n'a pas exclusivement en vue, comme les autres, des intérêts locaux, ou l'amélioration intérieure de notre patrie. Vous ne pouvez triompher dans cette lutte, sans que les résultats de ce triomphe se fassent ressentir jusqu'aux extrémités du monde; et la réalisation de vos doctrines n'affectera pas seulement les classes manufacturières et commerciales de ce pays, mais les intérêts matériels et moraux de l'humanité sur toute la surface du globe. (Applaudissements.) Les conséquences morales du principe de la liberté commerciale, pour lequel nous combattons, m'ont toujours paru, parmi toutes celles qu'implique ce grand mouvement, comme les plus imposantes, les plus dignes d'exciter notre émulation et notre zèle. Fonder la liberté commerciale, c'est fonder en même temps la paix universelle, c'est relier entre eux, par le ciment des échanges réciproques, tous les peuples de la terre. (Écoutez! écoutez!) C'est rendre la guerre aussi impossible entre deux nations, qu'elle l'est entre deux comtés de la Grande-Bretagne. On ne verra plus alors toutes ces vexations diplomatiques, et deux hommes, à force de protocoliser, par un combat de dextérité entre un ministre de Londres et un ministre de Paris, finir par envelopper deux grandes nations dans les horreurs d'une lutte sanglante. On ne verra plus ces monstrueuses absurdités, alors que dans ces deux grandes nations, unies comme elles le seront par leurs mutuels intérêts, chaque comptoir, chaque magasin, chaque usine, deviendra le centre d'un système de diplomatie qui tendra à la paix, en dépit de tout l'art des hommes d'État pour faire éclater la guerre. (Tonnerre d'applaudissements.) Je dis que ce sont là de nobles et glorieux objets qui, s'ils réclament toute l'énergie du sexe à qui reviennent le poids et la fatigue de la lutte, méritent aussi le sourire et les encouragements des dames que je suis heureux de voir autour de moi. (Applaudissements prolongés.) C'est une œuvre qui devait nous assurer, et qui nous a valu, en effet, l'active coopération de tout ce qu'il y a dans le pays de ministres chrétiens. (Acclamations.) Tel est l'objet que nous avons en vue, et gardons-nous de le considérer jamais, ainsi qu'on le fait trop souvent, comme une question purement pécuniaire, et affectant exclusivement les intérêts d'une classe de manufacturiers et de marchands.
Dans le cours des opérations qui ont eu lieu au commencement de la séance, j'ai appris, avec une vive satisfaction, que, sous les auspices de notre infatigable, de notre indomptable président (acclamations), la Ligue se prépare à une campagne d'hiver plus audacieuse, et j'espère plus décisive qu'aucune de celles qu'ait jamais entreprises cette grande et influente association. En entrant dans les bureaux, j'ai été frappé à l'aspect de quatre énormes colis emballés et cordés comme les lourdes marchandises de nos magasins. J'ai pris des informations, et l'on m'a dit que c'étaient des brochures, – environ cinq quintaux de brochures – adressées à quatre de nos professeurs, pour être immédiatement et gratuitement distribués. (On applaudit.) J'ai été curieux de vérifier dans nos livres où en sont les affaires, en fait d'impressions. – L'impression sur coton, vous le savez, va mal, et menace d'aller plus mal encore; mais l'impression sur papier est conduite avec vigueur, sous ce toit, depuis quelque temps. Depuis trois semaines la Ligue a reçu des mains des imprimeurs trois cent quatre-vingt mille brochures. C'est bien quelque chose pour l'œuvre de trois semaines, mais ce n'est rien relativement aux besoins du pays. Le peuple a soif d'information; de toutes parts on demande des brochures, des discours, des publications; on veut s'éclairer sur ce grand débat. Dans ces circonstances, je crois qu'il nous suffit de faire connaître au public les moyens d'exécution dont nous pouvons disposer, – que la moisson est prête, qu'il ne manque que des bras pour l'engranger, – et le public mettra en nos mains toutes les ressources nécessaires pour conduire notre campagne d'hiver, avec dix fois plus d'énergie que nous n'en avons mis jusqu'ici. Nous dépensons 100 l. s. par semaine, à ce que je comprends, pour agiter la question. Il faut en dépenser 1,000 par semaine d'ici à février prochain. Je crains que Manchester ne se soit un peu trop attribué le monopole de cette lutte. Quel que soit l'honneur qui lui en revienne, il ne faut pas que Manchester monopolise toutes les invectives de la Presse privilégiée. Ouvrons donc cordialement nos rangs à ceux de nos nombreux concitoyens des autres comtés, qui désirent, j'en suis sûr, devenir nos collaborateurs dans cette grande œuvre. Leeds, Birmingham, Glasgow, Sheffield ne demandent pas mieux que de suivre Manchester dans la lice. Cela est dans le caractère anglais. Ils ne souffriront pas que nous soyons les seuls à les délivrer des étreintes du monopole; ce serait s'engager d'avance à se reconnaître redevables envers nous de tout ce qui peut leur échoir de liberté et de prospérité, et il n'est pas dans le caractère des Anglais de rechercher le fardeau de telles obligations. Que font nos compatriotes dans les luttes moins glorieuses de terre et de mer? Avez-vous entendu dire, avez-vous lu dans l'histoire de votre pays, qu'ils laissent à un vaisseau ou à un régiment tout l'honneur de la victoire? Non, ils se présentent devant l'ennemi, et demandent qu'on les place à l'avant-garde. – Il en sera ainsi de Leeds, de Glasgow, de Birmingham; offrons-leur une place honorable dans nos rangs. – Messieurs, la première considération, c'est le nerf de la guerre. Il faut de l'argent pour conduire convenablement une telle entreprise. Je sais que notre honorable ami, qui occupe le fauteuil, a dans les mains un plan qui ne va à rien moins, vous allez être surpris, qu'à demander au pays un subside de 50,000 l. s. (Écoutez! écoutez!) C'est juste un million de shillings; et, si deux millions de signatures ont réclamé l'abrogation de la loi-céréale, quelle difficulté peut présenter le recouvrement d'un million de shillings?.. – Ladies et gentlemen, ce à quoi nous devons aspirer, c'est de disséminer à profusion tous ces trésors d'informations enfouis dans les enquêtes parlementaires et dans les œuvres des économistes. Nous n'avons besoin ni de force, ni de violence, ni d'exhibition de puissance matérielle (applaudissements); tout ce que nous voulons, pour assurer le succès de notre cause, c'est de mettre en œuvre ces armes bien plus efficaces, qui s'attaquent à l'esprit. Puisque j'en suis sur ce sujet, je ne puis me dispenser de vous recommander la récente publication des œuvres du colonel Thompson (applaudissements); c'est un arsenal qui contient plus d'armes qu'il n'en faut pour atteindre notre but, si elles étaient distribuées dans tout le pays. Il n'est si chétif berger qui, pour abattre le Goliath du monopole, n'y trouve un caillou qui aille à son bras. Je ne saurais élever trop haut ceux de ces ouvrages qui se rapportent à notre question. Le colonel Thompson a été pour nous un trésor caché. Nous n'avons ni apprécié ni connu sa valeur. Ses écrits, publiés d'abord dans la Revue de Westminster, ont passé inaperçus pour un grand nombre d'entre nous. Il vient de les réunir en corps d'ouvrage, en six volumes complets, au prix de sacrifices pécuniaires très-considérables, dont je sais qu'il n'a guère de souci, pourvu qu'ils fassent progresser la bonne cause. Je n'hésite pas à reconnaître que tout ce que nous disons, tout ce que nous écrivons aujourd'hui, a été mieux dit et mieux écrit, il y a dix ans, par le colonel Thompson.