Andres Mann

Tess


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déclina son identité. « Monsieur Vickers, je m'appelle Paul Mitchell, l’avocat de Madame Fadime al-Saadi. Vous vous souvenez peut-être d'une réunion que nous avions eue concernant Aara, la nièce de Madame Fadime.

      — Oui, je m'en souviens, Monsieur Mitchell. C'était il y a plusieurs années et je pense que l'affaire est maintenant close.

      — Pas de souci là-dessus, Monsieur Vickers. Je ne fais que transmettre une information de la part de ma cliente. À ses dix-huit ans, Aara recevra un héritage assez conséquent. Je crois comprendre qu'elle les atteindra dans deux mois.

      — Monsieur Mitchell, je crains que tout futur contact entre Madame Fadime et Aara soit une mauvaise idée. Comme vous le savez, cette enfant a vécu une expérience traumatisante et je ne pense pas qu'il soit opportun de rouvrir ce chapitre de sa vie.

      — Monsieur Vickers, peut-être dois-je mentionner que l'héritage provient du défunt père d'Aara, le général Amir al-Saadi et que son montant est considérable.

      — Peut-être bien. Mais Aara ne manque de rien. Qu'il y ait plus d'argent à la clé ne nous fera pas changer d'avis.

      — Monsieur Vickers, nous parlons de dizaines de millions de dollars. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que c'est une décision q’uil revient á Mademoiselle Aara, de prendre. Pas à vous. Je vous prie, et j'insiste, de l'accompagner à mon bureau où elle rencontrera Madame Fadime qui vous expliquera tout en détail.

      — Je dois en parler avec ma femme qui, sans l'ombre d'un doute, voudra connaître ce que rencontrer Fadime implique.

      — Si vous insistez, Monsieur Vickers. Je propose d'organiser une réunion à mon bureau. En début du mois prochain, cela vous convient ?

      — Tout dépendra si ma femme accepte la rencontre.

      — J'attends votre confirmation. Au revoir. »

      ***

      Jake s'adossa dans son fauteuil et réfléchit un instant. Il craignait que cette nouvelle n'entraîne une véritable tempête de la part de Tess. Ses échanges avec Fadime avaient été pour le moins orageux. Lors de leur dernière rencontre, Tess avait jeté Fadime à travers la pièce et lui avait cassé le bras. Le comportement de Tess avait été complètement justifié mais Jake ne voulait pas que cela se reproduisit. La meilleure façon de gérer la situation était qu'il rencontre l'avocat, mais il devait en parler à Tess au plus tôt, ce qui pouvait entraîner des problèmes entre eux. Il décida de prendre le taureau par les cornes et d'en informer Tess après le dîner.

      Tess se trouvait encore dans la cuisine, toute à sa nouvelle passion, la cuisine gastronomique. Quelques mois plus tôt, Carmen, sa meilleure amie, lui avait conseillé d'acquérir ce nouveau talent pour se réconcilier avec Jake ; le couple s'était séparé suite à un houleux épisode d'aventures extra-conjugales que chacun avaient eues. Les beaux-parents de Carmen en Italie avaient donné à Tess un cours intensif de cuisine italienne. Fidèle à sa nature obsessionnelle et perfectionniste, Tess apprit tout ce qu'elle put sur l'art culinaire et en conclut que c'était, après tout, un apprentissage digne d'être poursuivi. Contrairement à Jake, gourmet avide et aventureux, Tess était plutôt du genre viande et pommes de terre, mais elle avait décidé de poursuivre ses efforts culinaires pour réparer leurs blessures de couple. Quand ils ne dînaient pas dehors, ils cuisinaient à tour de rôle : Tess préparait des plats relativement sophistiqués ; Jake déclinait des variations de viandes et de rôtis qu'elle préférait. Ce que Tess préparait à l'instant sentait délicieusement bon, ce qui poussa Jake à passer dans son dos pour la serrer dans ses bras.

      « On ne dérange pas le chef, dit Tess en s'esquivant. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, c'est mon tour de te nourrir ce soir.

      — Et j'en suis fort reconnaissant, Madame le Chef. Tout ça m'a l'air succulent.

      — Ça l'est. Et maintenant, aide-moi à dresser la table.

      — Avec plaisir, je m'en occupe, » dit Jake en prenant assiettes et couverts.

      Le repas fut délicieux : plateau d'antipasto aux figues, pain croustillant et fromage bleu ; fettucine fraîches en sauce crémeuse avec crevettes et champignons ; et au dessert, crème caramel.

      Après quoi, le couple se retira sur le balcon surplombant la Cinquième Avenue de New York avec des verres de brandy. Les gratte-ciels étaient illuminés, en fier signe de prospérité de leurs résidents fortunés.

      « Tess, j'ai eu un coup de fil cet après-midi. C'est à propos d'Aara.

      — Ne me dis pas qu'elle s'est mise dans le pétrin à l'école.

      — Non, rien de la sorte. Aara est l'enfant la plus appliquée que j'aie jamais connue.

      — J'ai eu un appel de Sofiya, sa prof de piano à Julliard, intervint Tess. Elle est impressionnée par son travail assidu et sa technique au piano. Elle nous propose de faire une revue de ses progrès la semaine prochaine.

      — Super, j'aimerais bien voir ça. Au fait, où est Aara ce soir?

      — Elle passe la soirée chez son amie Suzy. Elle sera de retour dans environ une heure. Alors, de quoi il s'agit ?

      — J'ai reçu un appel de l'avocat de Fadime. Lui et Fadime veulent nous rencontrer, Aara et nous. Apparemment, Amir a laissé beaucoup d'argent à Aara pour dix-huit ans.

      — Alors pourquoi ne pas lui envoyer un chèque et en finir ? Rencontrer Fadime est bien le dernier de mes soucis. Je pourrais être tentée de terminer ce que j'avais commencé et lui briser son autre bras.

      — Tess, cela semble sérieux. Apparemment, l'héritage s'élève à plusieurs millions.

      — Aara a déjà tout ce dont elle a besoin. Elle n'a pas besoin d'argent sale.

      — Si l'argent vient de son père, c'est qu'il s'agit d'une fortune ancienne, et donc légitime. En tout cas, j'ai le sentiment que c'est à elle de prendre cette décision. Et nous la soutiendrons, quoiqu'elle décide. Écoutons ce que Fadime a à dire et nous aviserons après. Si tu préfères ne pas venir, je peux y aller avec Aara.

      — Je n'ai pas confiance en Fadime. Je vous accompagnerai. J'essaierai de me contrôler et de ne pas lui briser la nuque.

      — Admirable. De toute façon, il ne s'agit que de savoir de quoi tout cela retourne. Nous pouvons nous en aller à tout moment.

      — Et comment. » Tout cela avait agacé Tess. Le souvenir de ses horribles péripéties avec Amir et Fadime lui assaillit la mémoire. Elle n'en avait pas besoin.

      Peu après, Tess se mit au lit avec un mal de tête, espérant que ses fréquents cauchemars ne reviendraient pas. Jake resta éveillé à attendre le retour d'Aara pour l'informer des dernières nouvelles. La jeune fille était fatiguée et montra peu d'intérêt. Elle fit part à Jake de sa journée à Julliard puis elle alla se coucher.

      Par une belle journée d'été à Buenos Aires, Laurent Belcour discutait au téléphone avec Bertrand Dubois, son associé, de la performance financière des diverses maisons de joie et autres services d'escorte qu'il dirigeait de par le monde. Il apprit aussi une mauvaise nouvelle : Isidore Khujadze, avait essayé de vendre de la matière nucléaire à des agents de la CIA qui s'étaient fait passer pour des acheteurs, au lieu de la livrer aux gens de Dubois. C'était ennuyeux et frustrant. Par le passé, Belcour n'avait pas réussi à faire déployer par Daesh une arme nucléaire qu'il avait sortie clandestinement de la Corée du Nord. Sa stratégie avait été de faire détonner une bombe quelque part en Europe pour pousser les Européens et les Américains à augmenter leurs dépenses en armement, ce qui aurait fait le bonheur d'importants fabricants d'armes, portefeuilles dans lesquels il avait considérablement investi. Le chaos et la dévastation qui en auraient résulté étaient le dernier de ses soucis. Tout ce qu'il voulait, c'était d'en tirer profit et de se venger de la France, son pays natal, de l’avoir traîné devant les tribunaux