agnostiques ! Lorsque nous parlons avec un nouveau, nous voyons souvent l’espoir se dessiner sur son visage pendant que nous discutons de son alcoolisme et que nous lui présentons notre Mouvement. Mais nous voyons sa figure se rembrunir lorsqu’il est question de spiritualité, surtout lorsque nous mentionnons le nom de Dieu, car nous venons de lui rappeler un sujet qu’il croyait avoir évité avec soin ou qu’il avait ignoré complètement.
Nous savons ce qu’il ressent. Comme lui, nous avons eu des préjugés et avons douté sincèrement. Certains parmi nous se sont montrés violemment antireligieux. Pour d’autres, le mot « Dieu » évoquait l’image de Celui qu’on leur avait imposé dans leur enfance comme un être impressionnant. Peut-être avons-nous rejeté cette conception particulière parce qu’elle nous semblait inadéquate. Nous avons cru alors avoir complètement abandonné l’idée de Dieu. Nous n’aimions pas l’idée de croire et de dépendre d’une Puissance supérieure à nous-mêmes, qui était pour nous signe de faiblesse et même de lâcheté. Nous regardions avec un profond scepticisme ce monde d’individus en guerre, de religions ennemies, de calamités inexplicables. Nous regardions avec mépris les nombreuses personnes qui se disaient pieuses. Comment un Être suprême pouvait-il être mêlé à tout cela ? Et de toute façon, qui pouvait savoir ce qu’était un Être suprême ? Pourtant, à d’autres moments, par une belle nuit étoilée, il nous arrivait de nous demander : « Mais alors, qui a créé tout cela ? » Nous étions alors remplis d’admiration et d’émerveillement, mais ce n’était qu’une impression superficielle et vite envolée.
Oui, nous les agnostiques, avons eu ces pensées et ces expériences. Cependant, nous tenons à vous rassurer tout de suite. Aussitôt que nous avons réussi à mettre de côté nos préjugés et que nous avons démontré le plus petit désir de croire en une Puissance supérieure, déjà les résultats ont commencé à se faire sentir, même si personne d’entre nous ne pouvait définir ni bien comprendre cette Puissance, qui est Dieu.
À notre grand soulagement, nous avons découvert qu’il n’était pas nécessaire de prendre la conception de Dieu de quelqu’un d’autre. Notre conception personnelle, aussi inexacte fût-elle, nous permettait de nous rapprocher de Lui et d’établir un contact. Aussitôt admise l’existence possible d’une Intelligence créatrice, d’un Esprit de l’Univers sous-tendant la totalité des choses, nous avons senti que nous devenions plus forts et plus aptes à nous diriger, à condition toutefois de franchir d’autres étapes bien simples. Nous nous sommes rendu compte que Dieu ne se montre pas trop exigeant envers ceux qui Le cherchent. Pour nous, le Royaume de l’Esprit est large et vaste ; il englobe tout ; jamais il n’exclut, jamais il ne se ferme à ceux qui le cherchent avec ardeur. Il est ouvert, nous le croyons, à tous les hommes.
Par conséquent, lorsque nous vous parlons de Dieu, nous parlons de votre propre conception de Dieu. Cela s’applique aussi à toutes les autres formes d’expression spirituelle que vous trouverez dans ce livre. Ne laissez aucun de vos préjugés contre les termes de spiritualité vous empêcher de vous demander honnêtement ce qu’ils peuvent signifier pour vous. Au début, cette attitude nous a suffi pour commencer à grandir spirituellement et à établir nos premières relations conscientes avec Dieu tel que nous Le concevions. Ensuite, nous en sommes venus à accepter beaucoup de choses qui nous avaient semblé complètement impensables. Voilà ce que c’est que d’évoluer, mais pour progresser, nous devions commencer quelque part. Ainsi, nous avons commencé avec notre propre conception, si imparfaite fut-elle.
Nous n’avions qu’une petite question à nous poser : « Est-ce que je crois ou veux croire en l’existence d’une Puissance supérieure à moi-même ? » Aussitôt qu’un homme peut affirmer qu’il croit, ou qu’il veut bien essayer de croire, pour nous, il se trouve incontestablement sur la bonne voie. La preuve a souvent été faite, parmi nous, que sur cette pierre angulaire bien simple, une structure spirituelle merveilleusement solide peut être érigée.7
Voilà qui était une bonne nouvelle pour nous, qui avions tenu pour acquis l’impossibilité d’appliquer des principes spirituels sans accepter bien des choses qui nous semblaient difficiles à croire. Lorsqu’on nous avait proposé des approches spirituelles, combien de fois n’avions-nous pas dit : « J’aimerais bien avoir la foi de cet homme. Je suis certain que je réussirais si seulement je pouvais croire comme lui. Mais je ne peux pas accepter comme vraies les nombreuses affirmations de foi qui, pour lui, sont si claires. » Il était donc réconfortant d’apprendre que nous pouvions commencer à un niveau plus simple.
En plus d’une incapacité apparente d’accepter plusieurs aspects de la foi, nous avons souvent été gênés par notre obstination, notre sensibilité et nos préjugés aveugles. Plusieurs d’entre nous se sont montrés si ombrageux qu’ils se cabraient devant toute allusion à la spiritualité. Il fallait abandonner cette façon de penser. Bien que certains de nous aient résisté, nous n’avons pas eu trop de mal à faire taire ces sentiments. Face à la destruction alcoolique, nous nous sommes rapidement ouvert aux choses spirituelles, tout comme nous avions essayé de le faire sur d’autres sujets. En ce sens, l’alcool a eu sur nous un important effet de persuasion : il nous a finalement forcés à devenir raisonnables. Le processus a parfois été fastidieux ; c’est pourquoi nous espérons que personne ne gardera ses préjugés aussi longtemps que certains de nous l’ont fait.
Le lecteur se demande peut-être toujours pourquoi il devrait croire en une Puissance supérieure à lui-même. Nous croyons qu’il y a de bonnes raisons. Examinons-en quelques-unes.
L’homme pratique d’aujourd’hui exige des faits et des résultats. Le XXe siècle est largement ouvert à toutes sortes de théories, mais celles-ci doivent être fondées sur des faits concrets. Par exemple, nombreuses sont les théories sur l’électricité. Tout le monde les accepte sans le moindre doute, sans contester. Pourquoi ? Simplement parce qu’il est impossible d’expliquer ce que l’on voit, ressent, maîtrise ou utilise sans tenir au départ certains faits pour acquis.
De nos jours, tout le monde croit en une foule de choses considérées comme évidentes, mais pour lesquelles il n’existe aucune preuve tangible irrévocable. La science ne nous montre-t-elle pas qu’il n’est pas de preuve moins solide que ce que nous appelons justement une preuve tangible ? Dans l’étude que l’homme fait du monde matériel, il est sans cesse démontré que les apparences ne correspondent pas du tout à la réalité intrinsèque. En voici une illustration.
Toute poutre d’acier consiste en une masse d’électrons gravitant autour d’un noyau à une vitesse inimaginable. Ces corpuscules sont régis par des lois précises, qui sont les mêmes pour tout l’univers de la matière. Voilà ce que la science nous enseigne. Nous n’avons aucune raison d’en douter. En revanche, lorsque l’on nous demande de présumer qu’à l’origine de ce monde matériel et de cette vie, tels que nous les voyons, il y a une intelligence créatrice, directrice et toute-puissante, tout de suite nos instincts pervers refont surface et nous nous ingénions à nous persuader que ce n’est pas ainsi. Nous lisons des livres savants et nous nous livrons à des discussions oiseuses pour nous convaincre que l’univers peut s’expliquer sans l’existence de Dieu. Si nos suppositions s’avéraient fondées, la vie n’aurait donc pas d’origine, elle ne signifierait rien et ne mènerait nulle part.
Au lieu de reconnaître que nous sommes seulement les agents intelligents et les fers de lance d’un univers toujours en évolution et créé par Dieu, nous, agnostiques et athées, avions choisi de croire que l’intelligence humaine était le premier et le dernier mot, l’alpha et l’oméga, le début et la fin de tout. C’était un peu prétentieux, n’est-ce-pas ?
Nous, qui avons pris cette voie discutable, nous vous demandons de mettre de côté vos préjugés, même ceux contre les organisations religieuses. Nous avons appris que malgré leurs faiblesses, les diverses religions ont servi de guides et ont fixé un but à des millions de personnes. Les gens de foi trouvent une raison logique à l’existence. Quant à nous, nous n’avions absolument aucune conception raisonnable. Nous prenions plaisir à mettre en pièces les croyances et les pratiques spirituelles alors que nous aurions pu voir que des personnes spirituelles