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An der Front und Hinter der Front - Au front et à l'arrière


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périphérique existaient depuis toujours, et les Britanniques les avaient abondamment utilisés contre Napoléon. En fait, on va le voir, il n’y eut pas de grande innovation au niveau stratégique, sauf la « guerre totale ». D’autre part, la grande stratégie diplomatico-militaire, celle des sondages, des négociations au cours du conflit, afin de profiter d’un succès sur le terrain pour amener l’adversaire à la table de négociation, dans la grande tradition européenne, et qui avait été utilisée même lors des guerres de la Révolution et de l’Empire, resta à peu près absente. La seule tentative, d’ailleurs conduite de façon fort maladroite, pour coordonner opérations militaires et démarches de paix, fut celle de Berlin et Vienne, par leur note du 12 décembre 1916, juste après l’entrée de leurs troupes à Bucarest le 612. Français et Britanniques se contentèrent de sondages de paix secrets, fort peu en phase avec leurs plans d’opérations13.

      1) Stratégie périphérique

      Une stratégie périphérique paraissait s’imposer aux Alliés avec évidence : porter la guerre dans les Balkans et sur les Détroits turcs. En effet, il fallait d’abord essayer d’empêcher la Bulgarie de se joindre aux Puissances centrales, car, outre son importance militaire propre, son territoire permettrait d’assurer la continuité des communications entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Turquie. Son entrée en guerre aux côtés des Puissances centrales en octobre 1915 rendait évidemment cet objectif vain.

      Mais une stratégie vers ces régions avait deux autres objectifs possibles : relier la Russie aux Alliés occidentaux plus commodément que par Mourmansk, et atteindre le « ventre mou » (l’expression est de Churchill) des Empires centraux par la vallée du Vardar.

      Cette stratégie fut tentée, mais ne fut poussée à fond que tout à la fin de la guerre. En mars 1915, les Britanniques et les Français tentèrent de forcer les Dardanelles par voie maritime, mais ce fut un échec. Ils débarquèrent le mois suivant à Gallipoli, mais ce fut aussi un échec. En octobre 1915, ils débarquèrent à Salonique, mais jusqu’en 1918 ce fut à peu près inutile, sauf en tant qu’abcès de fixation pour les forces bulgares et en tant qu’arme politique, pour forcer la Grèce à se tourner vers les Alliés et maintenir la Serbie dans la guerre.

      En effet le Front d’Orient ne fut pas poussé à fond : les Russes n’y participèrent pas, estimant que les Alliés feraient le travail pour eux, et ils se contentèrent de se faire garantir par eux, dès mars 1915, la possession de Constantinople et des Détroits14. Les Britanniques pensaient surtout à l’Irak et au Moyen-Orient, où ils massèrent jusqu’à un million de soldats. Joffre estimait que cela le détournait du front essentiel, celui du Nord-Est.

      En fait, le pouvoir politique (du moins Churchill et Briand, les plus imaginatifs des dirigeants alliés) était plus intéressé que les militaires : ceux-ci restaient fidèles au principe de la concentration des forces, à l’objectif de battre d’abord l’ennemi principal. Peut-être avions-nous affaire à un excès de « clausewitzisme » mal compris ?

      De plus, le Front d’Orient connut des problèmes d’ordre opératif : Sarrail eut du mal à établir un commandement unique ou même simplement efficace. Ce ne fut qu’après le règlement de ce problème par ses successeurs Guillaumat et Franchet d’Espèrey que le front d’Orient devint un vrai théâtre au sens opératif du terme, et qu’il put participer de façon décisive aux offensives alliées finales de 191815. Mais ce fut alors très réussi : ce fut l’Armée de Salonique qui provoqua la chute de la Bulgarie et de l’Autriche-Hongrie. En fait, pour les Allemands, la décision de demander l’armistice vint de là autant que du « Jour noir » (8 août 1918)16.

      2) Stratégies d’attrition, 1915/1916

      Plus que par la stratégie périphérique, les années 1915/16 furent marquées par le développement de diverses stratégies d’attrition, visant non plus l’anéantissement des forces adverses (Vernichtungskrieg) mais leur affaiblissement, pour permettre l’ouverture de négociations dans de bonnes conditions (Ermattungsstrategie), selon les catégories développées dès cette époque par Hans Delbrück, historien mais aussi stratégiste notoire17.

      La première de ces stratégies fut celle du blocus de l’Allemagne par les Alliés. En fait, ce fut lent, elle ne se mit vraiment en place qu’à partir de 1915, car il fallait établir aussi un contrôle commercial des pays neutres voisins de l’Allemagne (par exemple la Société Suisse de Surveillance), pour éviter réexportations et contournements. Certes, les effets sur la population et l’économie allemandes furent considérables, mais lents et non décisifs18.

      Notons également la stratégie de Falkenhayn, successeur de Moltke à la tête du grand état-major impérial : il se maintint sur la défensive à l’Est, mais prit l’offensive à Verdun ; la percée ayant échoué, il poursuivit cependant l’opération, pour faire « saigner » l’armée française (car elle ne pouvait pas reculer, non seulement pour des raisons de prestige, comme on dit toujours, mais parce que, du fait de la topographie du Bassin parisien, si elle lâchait Verdun et la Côte de Meuse, elle aurait du mal à se rétablir et à reconstituer un front avant le Morvan !). En fait, ce fut un échec, car l’armée allemande « saigna » tout autant19.

      De même, la Somme à partir de juillet 1916 relève de la stratégie d’attrition, même si les Alliés espéraient la « percée » (mais, malgré tout, l’industrie allemande dut avouer qu’elle avait atteint là ses limites : l’attrition fonctionnait tout de même dans une certaine mesure)20.

      Sur le plan de la stratégie générale, on constate que l’industrie moderne peut nourrir sans limite une guerre d’attrition statique, c’est-à-dire le soutien des troupes, la production des armements et des munitions nécessaires, y compris les gaz, l’équipement des fronts (abris, voies de communication de toute nature, etc.) et qu’elle peut (grâce aux Ersätze) faire échec au blocus pendant longtemps. Au fond, la grande stratégie en 1916/17 reposait sur l’intégration de l’économie (y compris le blocus de l’adversaire) et de l’industrie à la stratégie. Il est important de le noter, parce que c’est la stratégie que Français et Britanniques prétendirent opposer à Hitler en 1939/4021.

      3) Stratégie de guerre totale : 1917/18

      Mais en 1917, à la suite de la bataille de la Somme, la stratégie d’attrition connut un renforcement tel que, la quantité devenant qualité, l’on passa à quelque chose de nouveau : la stratégie de guerre totale. En effet, en août 1916, Hindenburg et Ludendorff remplacèrent Falkenhayn, à cause de l’échec de celui-ci sur la Somme. On vit alors une nouvelle conduite de la guerre, une stratégie générale qui se situait théoriquement au-dessus du niveau du grand état-major, mais qui fut imposée en fait par les chefs militaires aux dirigeants civils : ce fut la « guerre totale » (titre d’un livre de Ludendorff de 1935, mais utilisé déjà par Léon Daudet en 1916). Les instruments en seraient :

      – La mobilisation industrielle, c’est-à-dire la mise totale de l’économie allemande sur le pied de guerre (« Programme Hindenburg »)22.

      – La mobilisation politique (contrôle du pays par les gouverneurs militaires et création en 1917 de la Vaterlandspartei, organisation politique ayant pour objet de soutenir l’état-major)23.

      – La mobilisation de la société (loi sur le « service auxiliaire » – en fait, il s’agissait de la mise en place du travail obligatoire pour les non mobilisés – et entente avec les syndicats pour sa mise en œuvre)24.

      – La mainmise politique sur le Reich (l’état-major provoque la chute de Bethmann Hollweg en juillet 1917 car il est considéré comme trop modéré)25.

      – La guerre sous-marine à outrance.

      – Pour la première fois, la guerre fut faite systématiquement aux civils, par des bombardements divers (navires de guerre bombardant les villes côtières, zeppelins, avions)26.

      – Pour la première